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Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 3. Pér. 26.1901

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Marcel, Henry: Quelques lettres inédites de J.-F. Millet
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https://doi.org/10.11588/diglit.24808#0086

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GAZETTE DES BEAUX-ARTS

sa vie que la faveur croissante du public, remorqué par la critique
et les artistes, l’autorise à en demander des prix sérieux.

Aux prises avec ces difficultés, il ne trouve pas seulement en
Sensier un ami, un conseiller, un juge avisé et pénétrant, un
champion armé de bonnes raisons et de généreuses ardeurs, mais
un intermédiaire précieux par ses relations étendues, et qui, dans
les besoins urgents, ne regarde pas à ouvrir sa bourse toute grande
au peintre pour des avances ou même des achats. C’est à lui que
Millet, timide, ombrageux, un peu brusque et conscient de ses
faiblesses, recourt pour les négociations avec les marchands, les
rapports avec la presse, et la simplicité avec lequel il le fait, sans
même s’en excuser, est grandement à l’honneur des deux hommes
qu’unissait cette amitié tout antique.

Cette correspondance forme la trame du livre que Sensier,
déjà malade, avait commencé d’écrire en mémoire de son ami, et
qui, interrompu par sa mort, fut achevé et publié en un format
somptueux par Paul Mantz. Cet ouvrage a révélé au public toute la
noblesse d’âme et toute la portée d’esprit de Millet. Certaines lettres
où il parle de ses œuvres, par l’ampleur philosophique des vues,
la majesté presque biblique du style, méritent de rester classiques.
Le commentaire sur son Homme à la houe est notamment une page
magnifique, promise aux anthologies.

Le petit recueil de lettres que je présente aux lecteurs de la
Gazette ne contient rien qui approche d’un tel morceau. Sensier
avait écrémé avec le soin le plus minutieux tout ce qui, dans la
correspondance de Millet, présentait un intérêt d’ordre général
ou projetait quelque clarté sur la conception particulière qu'il se
faisait de son art. Il restait bien peu à glaner après lui dans cet
ordre d’idées. Je ne crois pourtant point mes épis négligeables. Le
projet d’article en réponse à Castagnary expose, avec une extrême
netteté, l’idée si légitime que Millet se faisait de son rôle dans
l’évolution artistique de ce siècle. Il n’accepte aucun chef de file,
aucune dépendance ; il a la pleine conscience de ne relever que
de lui seul et d’avoir apporté, à son heure, une forme d’art abso-
lument originale.

Ce sentiment de sa haute valeur, ses contemporains n’ont pas
attendu sa mort pour le ratifier, et il reçut sa consécration officielle
dans cette trop tardive commande de M. de Chennevières qui, deux
ans plus tôt, eût doté notre Panthéon d’un premier cycle de chefs-
d’œuvre.
 
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