Universitätsbibliothek HeidelbergUniversitätsbibliothek Heidelberg
Metadaten

Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 3. Pér. 26.1901

DOI Heft:
Nr. 1
DOI Artikel:
Marcel, Henry: Quelques lettres inédites de J.-F. Millet
DOI Seite / Zitierlink: 
https://doi.org/10.11588/diglit.24808#0087

DWork-Logo
Überblick
loading ...
Faksimile
0.5
1 cm
facsimile
Vollansicht
OCR-Volltext
QUELQUES LETTRES INÉDITES DE J.-F. MILLET

71

La génération actuelle salue en Millet un des artistes — rares
entre tous — dont les moyens ont exactement servi les aspirations,
dont les ambitions n’ont pas excédé les forces, et qui ont pleinement
réalisé leur rêve. Cet idéal, noble s’il en fut, la glorification de la
nature et du travail, excluait chez lui toute revendication sociale,
toute propagande agressive. Mieux inspiré que Courbet — qui fut
peut être plus doué au point de vue du pur métier — parce qu’il
tenait sa pensée infiniment plus haut, il ne lui en coûta pas de se
défendre des amorces d’une popularité qu’il méprisait, et on s’ex-
plique dès lors sans peine la calme et ferme insistance qu’il mit à
se séparer du peintre franc-comtois. Ce n’était pas seulement son
originalité d’artiste qu’il défendait de la sorte, mais aussi les dis-
tances qu’il tenait à bien marquer.

Sa profession de foi tient tout entière dans deux épithètes
qu’on retrouvera plus loin, l’une qu’il repousse, celle de démoc,
l’autre qu’il accepte avec empressement des mains de Théophile
Gautier, celle de tellurique. Son instinct en cela le conseillait bien,
car la terre, cette maternelle inspiratrice, a communiqué à son
œuvre quelque chose de sa stabilité auguste, comme de sa sérénité
méditative, et le nom de J.-F. Millet vivra dans les mémoires tant
que la houle des blés ondoiera sur les grandes plaines où il dort,
auprès de Théodore Rousseau, son suprême sommeil.

Laissons maintenant la parole à notre artiste :

1853

22 mai.

... Quoique le temps ne soit pas beau, la campagne est belle. Les petits
chemins bordés de peupliers qui se trouvent au bout de Barbizon sont
d’une impression charmante, d’une fraîcheur vraiment idyllique. 11 y
aurait à faire avec cela les plus beaux tableaux du monde. Vous verrez.

1858

Avril.

... N’allez pas vous imaginer que je n’aime pas le tableau de Corot, la
prairie avec le fossé ; nous trouvions au contraire, Rousseau et moi, que
ce serait ennuyeux d’avoir l’un sans l’autre, tant chacun a son impression
franche. Vous avez bien des fois raison de l’aimer beaucoup. Ce qui nous a
très vivement frappés dans l’autre, c’est qu’il a tout particulièrement l’air
d’être fait par quelqu’un qui ignorerait la peinture et qui l’aurait fait comme
il aurait pu, avec un grand désir de le faire : la peinture enfin sponta-
 
Annotationen