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Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 3. Pér. 31.1904

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Nr. 4
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Bouchot, Henri: L' exposition des primitifs français, [0], Avant-propos
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https://doi.org/10.11588/diglit.24813#0303

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GAZETTE DES BEAUX-ARTS

cluants, plus elle est rare, et plus son propriétaire l’entoure de soins
et la défend contre les entreprises. Molinier avait connu la tristesse
des refus, lors de son admirable exposition du Petit Palais en 1900;
le comité de celle des Primitifs français a fini par triompher de
presque tout. Mais l’homme qui sait le prix de son trésor est un
dragon des Hespérides d’une singulière et redoutable défensive.
Aucun argument ne lui manque pour désespérer le quémandeur
désolé. Ce sont les sentiments pieux quelquefois: on invoque la re-
lique d’une personne chère ; on voudrait, on souhaiterait, mais des
raisons impérieuses arrêtent l’inclination certaine en votre faveur.
Si on faisait exception, ce serait pour vous, mais on ne fait jamais
l’exception... qu’une fois. Le plus terrible est celui qui excipe d’an-
ciennes misères éprouvées : une œuvre à lui appartenant a souffert
dans une exposition; il ne prêtera plus jamais. S’il le faisait, ce
serait sûrement pour nous, mais il ne le fait pas, tout de suite.

Mettre dans la tête des gens aussi résolus à la cruauté cette idée
philosophique, que la possession de l’objet d’art comporte des devoirs
si elle confère des droits, est chose délicate. Encore ceux-là sont-
ils des particuliers qui ont acquis leur bien à force d’argent ou d’in-
géniosité, et qui ont une raison à invoquer : celle du propriétaire.
Mais les collectivités détentrices d’objets qu’elles ne connaissent pas,
qu’elles enferment, qu’elles cachent comme le chien du jardinier,
pour empêcher les autres d’en jouir, les corps constitués qui ont pris
des mesures préventives contre les prêts, qui parlent de la vérité en
marche et la calfeutrent dans un puits, celles-là, municipalités,
fabriques, cours judiciaires, apparaissent comme des personnes très
vieilles, très caduques, cachant de l’or dans leur bas et laissant
périr de faim le pauvre diable qui frappe à leur porte. Les plus ingé-
nieux — et je dirai les véritables —raffinés seraient peut-être ceux
qui, après vous avoir refusé la preuve qu’ils détiennent, vous met-
tent au défi de justifier votre opinion. Gela s’est vu,mais je n’ai parlé
que par ouï-dire.

Gomme tout s’est bien passé, très bien passé, nous pouvons à
notre aise louer, comme il convient, les éclairés, les généreux, les
libéraux, dont la vie est consacrée au vrai, ce vrai leur fût-il parfois
un peu désagréable. Dans cet ordre, et pour ce qui nous occupe spé-
cialement, l’Exposition des Primitifs français, l’étranger tient la pre-
mière place. Alors que nous avions motif de craindre une réserve,
une défense, une hostilité même, de la part de gens que nous abor-
dions à armes courtoises, mais parfois un peu brutales, nous n’avons
 
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