Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art (3. Pér. 31.1904)

J. W. TURNER1

(premier article)

L’angleterre a fomenté et entretient un bruit persévérant et
justifié autour de la curieuse personnalité de Turner. On dirait
même, à voir cette insistance, que la période de lutte n’est
pas close encore sur ce nom et que la consécration universelle n’est
pas jugée complète. C’est peut-être vrai. Le vieux Ruskin a été, il y a
plus de cinquante ans, le premier ouvrier de cette gloire. Il a donné
le ton, fourni les épithètes, classé les œuvres, établi leur qualité. Ceux
qui, après lui, ont honoré Turner, imitèrent ses appréciations. Les
renseignements ne manquent pas dans les bibliothèques de Londres2.
Les biographies ont une tendance à considérer le sujet comme diffi-
cile. Il est évident qu’il devait, à une époque non lointaine, paraître
plus complexe qu’il ne l’est en vérité. S’il est vite fait de raconter la
vie de Turner, dénuée de secousses et d’événements saillants, il y a
dans une biographie étendue beaucoup à dire sur son œuvre. Celui-

1. Notre excellent et regretté collaborateur Julien Leclercq avait laissé, entre
autres travaux inédits, cette étude sur Turner. Nous sommes heureux de la
publier. — N. D. L. R.

2. Voir surtout : Turner and lus Works, illustrated with examples from his
piclures and critical remarks on his principles of painting, by John Burnet.
London, 1852.