GAZETTE DES BEAUX-ARTS
274
triste mouvement de la Renaissance, par des œuvres à Dusage de
princes affectés de snobismes exotiques; l'influence de l’Italie déca-
dente, des Gellini, des Primatice, des Rosso, équilibristes de génie,
jongleurs audacieux, nous aura pénétrés. Nous apercevrons alors
ces formes grêles, fausses, sans vie, sans beaucoup d’idées, que
l’école de Fontainebleau imposera partout. Nous aurons, à la place
de nos vieux maîtres naturalistes et précieux, un Antoine Caron, un
Geoffroi Dumonstier, un François Quesnel. Pour cette phase de
notre existence artistique, l’exposition ne sera pas sans intérêt. On
apercevra FEva Pandora de Jean Cousin, pièce naguère aussi vantée
que la Joconde, YArtémise du même, la Paix du musée d’Aix, la
Flore de M. le baron d’Albenas. La tradition gothique se perpétuera
dans les petits portraits des Clouet, de Corneille de Lyon, dans d’ad-
mirables crayons de l’école française, dans un splendide portrait
équestre d’Henri II, venu du château d’Azay-le-Rideau et apparte-
nant à MM. Lawrie de Londres, dans un Portrait de prince à
MM. Kraemer, dans une Diane de Poitiers — ou Gabrielle cl’Estrées
plutôt —- au bain entourée de ses enfants. Pour beaucoup de gens,
cette partie de l’exposition sera l’une des plus recherchées à cause
de battrait que les générations précédentes attribuèrent à la pré-
tendue Renaissance.
Mais, qu’on admette ou qu’on blâme, qu’onraille même l’idée pre-
mière de l’exposition, on aura de quoi satisfaire sa curiosité. On
comprendra les efforts tentés et réalisés, on estimera la bataille qui
s’est livrée, les résultats en fussent-ils jugés médiocres. Quelques-
unes des œuvres aperçues auront nécessité des négociations pleines
de surprises; il se fût agi de régler les affaires de Corée que nous
n’eussions pas dû mettre plus de persévérance ni de ténacité. Et
ceux qui connaissent la valeur des œuvres d’art de cette qualité
estimeront en numéraire l’énormité monétaire de cette réunion
d’objets connus du monde entier, célèbres, classés, qui, s’ils étaient
volés, ne sauraient trouver d’acquéreurs nulle part. Ce qui faisait
notre crainte, en effet, fait, en réalité notre plus grande sécurité.
En terminant, je voudrais réunir dans une commune louange
tous nos amis, tous nos collaborateurs, ceux qui ont cru à l’idée
dès le premier jour et nous ont apporté leur concours sans bruit,
sans démonstration, comme savent faire ceux qui aiment les belles
choses, et la vérité par-dessus tout.
HENRI BOUCHOT
274
triste mouvement de la Renaissance, par des œuvres à Dusage de
princes affectés de snobismes exotiques; l'influence de l’Italie déca-
dente, des Gellini, des Primatice, des Rosso, équilibristes de génie,
jongleurs audacieux, nous aura pénétrés. Nous apercevrons alors
ces formes grêles, fausses, sans vie, sans beaucoup d’idées, que
l’école de Fontainebleau imposera partout. Nous aurons, à la place
de nos vieux maîtres naturalistes et précieux, un Antoine Caron, un
Geoffroi Dumonstier, un François Quesnel. Pour cette phase de
notre existence artistique, l’exposition ne sera pas sans intérêt. On
apercevra FEva Pandora de Jean Cousin, pièce naguère aussi vantée
que la Joconde, YArtémise du même, la Paix du musée d’Aix, la
Flore de M. le baron d’Albenas. La tradition gothique se perpétuera
dans les petits portraits des Clouet, de Corneille de Lyon, dans d’ad-
mirables crayons de l’école française, dans un splendide portrait
équestre d’Henri II, venu du château d’Azay-le-Rideau et apparte-
nant à MM. Lawrie de Londres, dans un Portrait de prince à
MM. Kraemer, dans une Diane de Poitiers — ou Gabrielle cl’Estrées
plutôt —- au bain entourée de ses enfants. Pour beaucoup de gens,
cette partie de l’exposition sera l’une des plus recherchées à cause
de battrait que les générations précédentes attribuèrent à la pré-
tendue Renaissance.
Mais, qu’on admette ou qu’on blâme, qu’onraille même l’idée pre-
mière de l’exposition, on aura de quoi satisfaire sa curiosité. On
comprendra les efforts tentés et réalisés, on estimera la bataille qui
s’est livrée, les résultats en fussent-ils jugés médiocres. Quelques-
unes des œuvres aperçues auront nécessité des négociations pleines
de surprises; il se fût agi de régler les affaires de Corée que nous
n’eussions pas dû mettre plus de persévérance ni de ténacité. Et
ceux qui connaissent la valeur des œuvres d’art de cette qualité
estimeront en numéraire l’énormité monétaire de cette réunion
d’objets connus du monde entier, célèbres, classés, qui, s’ils étaient
volés, ne sauraient trouver d’acquéreurs nulle part. Ce qui faisait
notre crainte, en effet, fait, en réalité notre plus grande sécurité.
En terminant, je voudrais réunir dans une commune louange
tous nos amis, tous nos collaborateurs, ceux qui ont cru à l’idée
dès le premier jour et nous ont apporté leur concours sans bruit,
sans démonstration, comme savent faire ceux qui aiment les belles
choses, et la vérité par-dessus tout.
HENRI BOUCHOT