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Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 3. Pér. 31.1904

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Nr. 5
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Baudin, Pierre: Les Salons de 1904, 1
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https://doi.org/10.11588/diglit.24813#0419

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GAZETTE DES BEAUX-ARTS

aussi hostiles à l’arrangement et à la présentation lumineuse des
tableaux que favorables aux rencontres mondaines et aux commen-
taires facétieux.

Il n’y a plus maintenant aucune différence entre le Salon de la
Société Nationale et celui des Artistes français. Les exposants, aussi
nombreux, s’y contrarient dans le même désordre. Les places où l’on
peut s’arrêter dans l’attention satisfaite d’un groupe d’œuvres person-
nelles se font de plus en plus rares. C’est l’énorme confusion de médio-
crités et de conceptions bizarres. La distinction première s’est effacée
dans la cruelle banalité des refrains courants et des motifs d’école.
Les maîtres semblent maintenant gênés de leur succès et découragés
d’assister à l’invasion banale qu’ils avaient fuie. Seuls manquent
les petits cartons très laids qui relatent les prix, médailles et men-
tions honorables dont les voisins persistent à savourer la hiérarchie.
La différence, on l’avouera, n’est plus guère sensible.

On s’évertuerait en vain à chercher dans cette exposition annuelle
le caractère de l’art d’aujourd’hui. A vouloir le fixer, on prendrait
pour des traits essentiels des tendances fugitives et des caprices de
mode. Il fut, je crois, un temps où l'art chaque année portait une
empreinte. Comme toutes les productions humaines, il n’échappe
point aux changements des sociétés. Il les subit et les exprime peut-
être plus docilement que les autres formes de la pensée. Mais il les
exprime par des voies indirectes et en traits extrêmement généraux.
11 ne faut point lui demander de servir de critérium à la qualité du
goût général. Il a connu ses efflorescences les plus pures et les plus
fortes en des temps de violences et de mœurs grossières.

Deux éléments essentiels semblent s’être rencontrés pour lui
procurer cette vie exceptionnelle : d’une part, une masse dont la
sensualité se soit développée sous l’impression de spectacles saisis-
sants, par conséquent troublée et même violentée par des événe-
ments importants, et, d’autre part, une aristocratie affinée. La masse
a produit les artistes et l’aristocratie les a fait vivre.

L’intensité de la vie sensorielle a permis la production d’œuvres
supérieures indépassables, avec un nombre en somme assez limité
d’artistes. De nos jours la dispersion de la vie sur le monde et sur-
tout sa direction industrielle, qui absorbe si complètement la masse
en travail mécanique, sont contraires à l’intensité du développement
sensoriel. La production de l’art est moins spontanée. En revanche
l’éducation générale provoque une production plus nombreuse. C’est
la connaissance de la technique de l’art et l’éducation par les maîtres
 
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