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GAZETTE DES BEAUX-ARTS
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Jusqu’à la fin du xviu° siècle, l’art à Lyon, intimement lié à
l’industrie, est avant tout ornemental. Des expositions partielles,
que la commission des Musées se propose d’organiser bientôt, pour-
ront seules nous renseigner sur des artistes tels que Bernard Salo-
mon, Pierre Esckrisch, Philippe de la Salle, Revel, les Pillement,
Berjon, Saint-Jean. Elles pourront peut-être aider aussi à retrouver
le nom de tant d’inconnus qui gravèrent le bois ou le cuivre, sculptè-
rentdesmeubles,forgèrent le fer et contribuèrent à constituer cet art
lyonnais dont presque toutes les productions sont encore anonymes.
De cette période on n’a pu présenter dans cette exposition que de
rares spécimens, un beau panneau, attribué, non sans complaisance,
à Jean Perréal et qui, malgré des restaurations peut-être excessives,
est d’une splendeur de coloris surprenante ; un Corneille de Lyon :
le portrait présumé de la marquise de Rothelin, et qu'il faut ranger
parmi les plus expressifs d’un siècle si fécond; enfin, longtemps
après, un portrait de femme, tout gris perle et argent, de Pierre-
Cogell, qui fut un des fondateurs de l’École des Beaux-Arts de Lyon.
Dans la sculpture, deux maquettes de Vierges, l’une debout, l’autre
assise, et toutes deux d’une grâce et d’une noblesse admirables, par
Coyscvox, une Adoration des bergers du môme, et de Guillaume II
Coustou un somptueux buste en marbre du cardinal de Tencin.
Immédiatement après, c’est Boissieu, le peintre des lumières
ambrées éclairant des intérieurs paisibles, le dessinateur attentif de
tètes d’expression, de paysages et d’édifices, puis Berjon, qui créa de
merveilleux modèles pour la décoration des soieries, mais qui dessina
aussi au crayon rehaussé d’aquarelle des portraits où se retrouvent
la fantaisie aiguë et la précision d’un Debucourt et d’un Isabey.
Citons encore, dans cette revue rapide des œuvres du début du
xixc siècle, un fin et vivant portrait de Grobon. Plusieurs paysages
de ce maître, notamment une Vue de la Quarantaine, nous révèlent
en lui Je chef de cette école de coloristes qui, sans interruption,
s’est continuée à Lyon jusqu’à nos jours. Les caractères incontes-
tablesde cette école, qui évolua dans la banlieue lyonnaise, etautour
de Crémieu et de Morestel, sont l’originalité, la sincérité non
apprise, et aussi, il faut le reconnaître, une certaine impuissance à
réaliser une œuvre vraiment grande et complète. Il semble que la
recherche du détail, de l’impression, ait détourné ces artistes de
cette poésie générale, de cel art de la composition né du mélange har-
GAZETTE DES BEAUX-ARTS
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Jusqu’à la fin du xviu° siècle, l’art à Lyon, intimement lié à
l’industrie, est avant tout ornemental. Des expositions partielles,
que la commission des Musées se propose d’organiser bientôt, pour-
ront seules nous renseigner sur des artistes tels que Bernard Salo-
mon, Pierre Esckrisch, Philippe de la Salle, Revel, les Pillement,
Berjon, Saint-Jean. Elles pourront peut-être aider aussi à retrouver
le nom de tant d’inconnus qui gravèrent le bois ou le cuivre, sculptè-
rentdesmeubles,forgèrent le fer et contribuèrent à constituer cet art
lyonnais dont presque toutes les productions sont encore anonymes.
De cette période on n’a pu présenter dans cette exposition que de
rares spécimens, un beau panneau, attribué, non sans complaisance,
à Jean Perréal et qui, malgré des restaurations peut-être excessives,
est d’une splendeur de coloris surprenante ; un Corneille de Lyon :
le portrait présumé de la marquise de Rothelin, et qu'il faut ranger
parmi les plus expressifs d’un siècle si fécond; enfin, longtemps
après, un portrait de femme, tout gris perle et argent, de Pierre-
Cogell, qui fut un des fondateurs de l’École des Beaux-Arts de Lyon.
Dans la sculpture, deux maquettes de Vierges, l’une debout, l’autre
assise, et toutes deux d’une grâce et d’une noblesse admirables, par
Coyscvox, une Adoration des bergers du môme, et de Guillaume II
Coustou un somptueux buste en marbre du cardinal de Tencin.
Immédiatement après, c’est Boissieu, le peintre des lumières
ambrées éclairant des intérieurs paisibles, le dessinateur attentif de
tètes d’expression, de paysages et d’édifices, puis Berjon, qui créa de
merveilleux modèles pour la décoration des soieries, mais qui dessina
aussi au crayon rehaussé d’aquarelle des portraits où se retrouvent
la fantaisie aiguë et la précision d’un Debucourt et d’un Isabey.
Citons encore, dans cette revue rapide des œuvres du début du
xixc siècle, un fin et vivant portrait de Grobon. Plusieurs paysages
de ce maître, notamment une Vue de la Quarantaine, nous révèlent
en lui Je chef de cette école de coloristes qui, sans interruption,
s’est continuée à Lyon jusqu’à nos jours. Les caractères incontes-
tablesde cette école, qui évolua dans la banlieue lyonnaise, etautour
de Crémieu et de Morestel, sont l’originalité, la sincérité non
apprise, et aussi, il faut le reconnaître, une certaine impuissance à
réaliser une œuvre vraiment grande et complète. Il semble que la
recherche du détail, de l’impression, ait détourné ces artistes de
cette poésie générale, de cel art de la composition né du mélange har-