GAZETTE DES BEAUX-ARTS
ne l’ignore point, l’humeur vaniteuse dos Byzantins se complaît
volontiers à exagérer leurs mérites; ils confondent volontiers « res-
taurer » et « construire», et plus d’un s’attribue la gloire d’une fon-
dation, qui s’est borné tout simplement à des réparations plus ou
moins étendues. Pourtant le témoignage de Théodore Métochite
semble si explicite, il s’accorde si pleinement avec les informations
de Grégoras et avec la tradition qu’a recueillie Phrantzès, qu’il
paraît assez difficile de contester au logothète la gloire d’avoir fait
exécuter les œuvres d’art que nous étudions.
On l’a fait cependant. Un des plus éminents parmi les byzanti-
nistes russes, Kondakof, s’est flatté de démontrer que, parmi les
mosaïques de Kahrié-djami, le plus grand nombre appartient au
xue siècle et que, si l’on doit incontestablement attribuer à l’époque
de Métochite les fresques du pare/cklesion et quelques-unes des mo-
saïques, plus précisément les saints Pierre et Paul, la colossale com-
position de la Astiti?, le groupe représentant le Christ el le fonda-
teur et enfin la décoration des coupoles du second narthex, tout le
reste, c’est-à-dire l’essentiel, date non moins incontestablement du
temps des Comnènes. Si haute que soit l’autorité du savant qui a
proposé cette thèse, il 11e me paraît point que ses arguments suf-
iisent à l’établir. Outre que certaines de ses preuves semblent
médiocrement convaincantes (la différence de coloris sur laquelle il
s’appuie pour distinguer deux époques tient tout simplement à
l’insuffisant nettoyage, qui a laissé un ton grisâtre sur certaines
mosaïques), c’est autrement, je crois, qu’il convient de poser le
problème.
Qu’une partie, si minime soit-elle, de la décoration ait été refaite
au xivc siècle, ceci est indéniable, et tout le monde l’admet. Il n’y
a donc nulle impossibilité de fait à ce que la partie essentielle, c’est-
à-dire les deux cycles du Christ et de la Vierge, ait été également
mise en place au cours des travaux exécutés à cette date. Or, si l’on
considère les compositions qui forment ces deux séries, un fait s’im-
pose à l’observateur le plus superficiel : incontestablement elles ap-
partiennent toutes au même temps. Regardez l’ordre dans lequel se
succèdent les épisodes, et comment le cycle du Christ, commencé dans
le narthex extérieur, vient s’achever dans le narthex intérieur : une
telle disposition n’est intelligible que s’il s’agit d’un ensemble unique,
exécuté à une même époque, et d’après un même plan. Examinez
ensuite le système de l’ornementation, la manière dont sont traités
le paysage et les architectures, les types des personnages repré-
ne l’ignore point, l’humeur vaniteuse dos Byzantins se complaît
volontiers à exagérer leurs mérites; ils confondent volontiers « res-
taurer » et « construire», et plus d’un s’attribue la gloire d’une fon-
dation, qui s’est borné tout simplement à des réparations plus ou
moins étendues. Pourtant le témoignage de Théodore Métochite
semble si explicite, il s’accorde si pleinement avec les informations
de Grégoras et avec la tradition qu’a recueillie Phrantzès, qu’il
paraît assez difficile de contester au logothète la gloire d’avoir fait
exécuter les œuvres d’art que nous étudions.
On l’a fait cependant. Un des plus éminents parmi les byzanti-
nistes russes, Kondakof, s’est flatté de démontrer que, parmi les
mosaïques de Kahrié-djami, le plus grand nombre appartient au
xue siècle et que, si l’on doit incontestablement attribuer à l’époque
de Métochite les fresques du pare/cklesion et quelques-unes des mo-
saïques, plus précisément les saints Pierre et Paul, la colossale com-
position de la Astiti?, le groupe représentant le Christ el le fonda-
teur et enfin la décoration des coupoles du second narthex, tout le
reste, c’est-à-dire l’essentiel, date non moins incontestablement du
temps des Comnènes. Si haute que soit l’autorité du savant qui a
proposé cette thèse, il 11e me paraît point que ses arguments suf-
iisent à l’établir. Outre que certaines de ses preuves semblent
médiocrement convaincantes (la différence de coloris sur laquelle il
s’appuie pour distinguer deux époques tient tout simplement à
l’insuffisant nettoyage, qui a laissé un ton grisâtre sur certaines
mosaïques), c’est autrement, je crois, qu’il convient de poser le
problème.
Qu’une partie, si minime soit-elle, de la décoration ait été refaite
au xivc siècle, ceci est indéniable, et tout le monde l’admet. Il n’y
a donc nulle impossibilité de fait à ce que la partie essentielle, c’est-
à-dire les deux cycles du Christ et de la Vierge, ait été également
mise en place au cours des travaux exécutés à cette date. Or, si l’on
considère les compositions qui forment ces deux séries, un fait s’im-
pose à l’observateur le plus superficiel : incontestablement elles ap-
partiennent toutes au même temps. Regardez l’ordre dans lequel se
succèdent les épisodes, et comment le cycle du Christ, commencé dans
le narthex extérieur, vient s’achever dans le narthex intérieur : une
telle disposition n’est intelligible que s’il s’agit d’un ensemble unique,
exécuté à une même époque, et d’après un même plan. Examinez
ensuite le système de l’ornementation, la manière dont sont traités
le paysage et les architectures, les types des personnages repré-