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GAZETTE DES BEAUX-ARTS
Recueillons d’abord les renseignements que Brienne nous donne
■sur les tableaux qui sont aujourd’hui au musée du Louvre. Ab Jove
principium. Commençons par la Sainte Famille de Raphaël, le
n° 1499 du Louvre, dont Brienne a fait dans sa Pinacotheca une
■description spécialement enthousiaste. Parmi beaucoup d’autres
mérites il trouve dans ce panneau les vertus évangélisantes d’un
éloquent sermon : de telles images relèvent, dit-il, l’humaine fai-
blesse : « hunianam imbecillitatem his pietalis adminiciilis excitari »'.
Cette œuvre, pourtant, prêcha longtemps dans le désert. La famille
Gouffier à qui elle appartint connut de pitoyables chrétiens avant le
•duc de Roannès, et, si l’on s’en rapporte à Tallemant des Réaux,
la petite Madone a probablement souffert d’étranges voisinages 2.
Elle ne suffit pas non plus à soutenir « l’humaine faiblesse » de
notre Brienne.
« Or3, pour en [de Raphaël] parler savamment et dignement, il
faut en avoir beaucoup vu et les avoir étudiés avec soin. Or, comme
j’ay [eu] de nombreux tableaux de lui ou do ses principaux élèves,
sçavoir de J. Romain, de Polidor et de Perin del Vague et de plus,
que le plus beau tableau de ce grand maistre a esté longtemps à
moy, je veux dire l’incomparable et pour ainsi dire l’adorable Vierge
que Félibien et feu M. Lebrun, premier peintre du Roy, ont toujours
soutenu avoir esté exécutée par Jules Romain, contre l’opinion de
M1 *' PassarP, de Mr Mignard le Romain et l’Avignonnais, de M1' Iic-
.■rault aussy peintre de S. M.3, du duc de Liancourt, du marquis de
Hauterive, dont les yeux valent bien en fait de tableaux, ceux d’un
autre; de feu M. de la Vrillère; deForest6, de Picard, marchands de
tableaux; de M. de Richaumont, beau père de M. Blondel, qui a été
mon gouverneur, de Michelin le Romain7 qui a fait toutes les copies,
qui sont en France, de ce divin tableau et enfin de Bernard8 9 qui en
fit pour moi une copie à guassoa, qu’on m’a volée, et tant d’autres;
je puis parler comme sçavant et très bien instruit de tout ce qui
1. Pinacotheca Lomeniana.
2. llist., VIII, 373.
3. Ms., col. 12.
4. Passart. Un curieux de marque que nous retrouverons.
3. Hérault. Reçu à l’Académie royale de peinture et de sculpture le
:23 janvier 1670.
6. Cité par Mariette, élève de Mole et marchand de tableaux.
7. Reçu à l’Académie le 7 août 1660. Exclu en 1681 comme protestant.
8. Sans doute Nicasius Bernaert d’Anvers, académicien en octobre 1663.
9. C’est-à-dire à la gouache.
GAZETTE DES BEAUX-ARTS
Recueillons d’abord les renseignements que Brienne nous donne
■sur les tableaux qui sont aujourd’hui au musée du Louvre. Ab Jove
principium. Commençons par la Sainte Famille de Raphaël, le
n° 1499 du Louvre, dont Brienne a fait dans sa Pinacotheca une
■description spécialement enthousiaste. Parmi beaucoup d’autres
mérites il trouve dans ce panneau les vertus évangélisantes d’un
éloquent sermon : de telles images relèvent, dit-il, l’humaine fai-
blesse : « hunianam imbecillitatem his pietalis adminiciilis excitari »'.
Cette œuvre, pourtant, prêcha longtemps dans le désert. La famille
Gouffier à qui elle appartint connut de pitoyables chrétiens avant le
•duc de Roannès, et, si l’on s’en rapporte à Tallemant des Réaux,
la petite Madone a probablement souffert d’étranges voisinages 2.
Elle ne suffit pas non plus à soutenir « l’humaine faiblesse » de
notre Brienne.
« Or3, pour en [de Raphaël] parler savamment et dignement, il
faut en avoir beaucoup vu et les avoir étudiés avec soin. Or, comme
j’ay [eu] de nombreux tableaux de lui ou do ses principaux élèves,
sçavoir de J. Romain, de Polidor et de Perin del Vague et de plus,
que le plus beau tableau de ce grand maistre a esté longtemps à
moy, je veux dire l’incomparable et pour ainsi dire l’adorable Vierge
que Félibien et feu M. Lebrun, premier peintre du Roy, ont toujours
soutenu avoir esté exécutée par Jules Romain, contre l’opinion de
M1 *' PassarP, de Mr Mignard le Romain et l’Avignonnais, de M1' Iic-
.■rault aussy peintre de S. M.3, du duc de Liancourt, du marquis de
Hauterive, dont les yeux valent bien en fait de tableaux, ceux d’un
autre; de feu M. de la Vrillère; deForest6, de Picard, marchands de
tableaux; de M. de Richaumont, beau père de M. Blondel, qui a été
mon gouverneur, de Michelin le Romain7 qui a fait toutes les copies,
qui sont en France, de ce divin tableau et enfin de Bernard8 9 qui en
fit pour moi une copie à guassoa, qu’on m’a volée, et tant d’autres;
je puis parler comme sçavant et très bien instruit de tout ce qui
1. Pinacotheca Lomeniana.
2. llist., VIII, 373.
3. Ms., col. 12.
4. Passart. Un curieux de marque que nous retrouverons.
3. Hérault. Reçu à l’Académie royale de peinture et de sculpture le
:23 janvier 1670.
6. Cité par Mariette, élève de Mole et marchand de tableaux.
7. Reçu à l’Académie le 7 août 1660. Exclu en 1681 comme protestant.
8. Sans doute Nicasius Bernaert d’Anvers, académicien en octobre 1663.
9. C’est-à-dire à la gouache.