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Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 4. Pér. 8.1912

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Nr. 5
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Jamot, Paul: Émile Bernard: artistes contemporains
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https://doi.org/10.11588/diglit.24885#0368

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344

GAZETTE DES BEAUX-ARTS

des frondaisons opulentes, de nobles tristesses, des élans hautains
et de la volupté, du feu, de l’or et des ténèbres :

La nuit monte du sol ainsi qu’un parfum d’ombre.

Un pédant pourrait reprendre çà et là quelques fautes. Mais
plus d’un de ces poèmes ne serait pas indigne de prendre place dans
une anthologie. Il nous plaît surtout de retrouver chez le poète et
chez le peintre, par une coïncidence non cherchée, les mêmes ten-
dances : de l’inégal, du surabondant, du trop tendu parfois, mais
une sorte de calme passionné, de la plastique et du grand partout.

Si l’âme et le cœur de l’artiste se laissent voir dans ses vers,
c’est le critique et le théoricien qui s’expriment, comme il est
naturel, dans les écrits en prose, encore plus nombreux. En 1902,
les Réflexions d’un témoin de la décadence du beau défendaient avec
chaleur des idées, des amitiés et des haines. Un peu plus tard,
M. Emile Bernard fonda, dirigea et, pour la plus grande part,
alimenta pendant cinq ans une revue dont le nom et la devise
annoncent le programme. Le nom était : La Rénovation esthétique, et
la devise : « U n’y a ni art ancien, ni art moderne, il y a l’art, c’est-
à-dire la manifestation de l’idéal éternel. » Là et ailleurs, au Mer-
cure de France, à Y Occident, à la Revue critique des idées et des
livres, il proclama son admiration pour les maîtres. 11 vit les chefs-
d’œuvre dans le passé, la décadence dans le présent. Comme les
moralistes de tous les temps, il attribua cette décadence à l’abaisse-
ment des mœurs et des esprits. Il stigmatisa chez nos contemporains
les vanités mesquines, les prétentions à l’originalité, la paresse, la
trop grande importance accordée à de petites inventions techniques
et l’oubli des lois éternelles.

Il parla avec une déférente atfection de Cézanne, dont il s’est
toujours dit l’élève. Dans ses Souvenirs sur Paul Cézanne, il vient
de réunir des articles publiés au Mercure de France en 1907. Ce récit
de deux séjours à Aix et les lettres qui l’accompagnent nous mon-
trent un vieillard ombrageux et bon, bizarre, simple comme un
enfant, grand par la noblesse d’une conviction ardente et réfléchie.
De part et d’autre on se réclame de Cézanne, lequel n’avouait per-
sonne. M. Emile Bernard, que les Cézannisants renient, est sans
doute le seul artiste qui ait reçu les confidences du solitaire pro-
vençal. Ce petit volume, plein de naturel et d’une sorte de pathétique
contenu, est un précieux témoignage ^ur un chef peu connu de ses
propres soldats.
 
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