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Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 4. Pér. 15.1919

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Nr. 2
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Alfassa, Paul: Maurice-Quentin de La Tour: à propos de l'exposition au Louvre des pastels de Saint-Quentin$nElektronische Ressource
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https://doi.org/10.11588/diglit.24917#0160

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GAZETTE DES BEAUX-ARTS

grand portraitiste. La Tour n’en fait rien deviner : les êtres plus
tendres, plus passionnés ou plus complexes lui échappent, témoin
son Jean-Jacques. C’est pourquoi il ne fournit à l’esprit et à l’âme
qu’un aliment assez pauvre; il lasse à la longue.

Les quelques visages où il intéresse autre chose que notre curio-
sité, notre sensibilité intellectuelle, sont ceux devant lesquels
l’amitié, l’affection, lui ont donné les lumières du cœur. Dans toute
la galerie de Saint-Quentin aucun portrait n’approche de celui de
Mllc Fel, qu’il aima. Le pastel a souffert; n’importe! il garde une
fraîcheur que d’autres, mieux conservés, n’ont plus. Les fixatifs et
le temps en ont durci l’aspect, mais il est tout enveloppé de roma-
nesque, de mélancolie, de tendresse; il fait rêver. Ce jour-là, La
Tour était poète.

Parce qu’à l’ordinaire il ne mérite que trop bien l’éloge de
Diderot : « Ce n’est pas de la poésie, ce n’est que de la peinture », il
ne saurait tenir sa place parmi les plus grands. Plus vrai, plus
perspicace que la plupart des portraitistes ses contemporains, mis
auprès d’un Titien, d’un Rembrandt, il ne soutiendra pas le voisi-
nage. Si l’on croit qu’il doit beaucoup de son infériorité à la froi-
deur du pastel, qu’on rapproche une de scs préparations d’un dessin
rehaussé de Holbein ou d’un beau crayon français du temps des
Valois : elle sollicite davantage le regard, elle se livre plus vite;
mais comme elle est aussi plus vite épuisée! Ce qui donne à son
œuvre tant de prix, c’est qu’il reste un document admirable sur
un siècle auquel bien des liens, bon gré, mal gré, nous rattachent
encore, et qui a trouvé en lui un peintre à son image : monde
agité d’idées contradictoires, avide de savoir et de se divertir, rai-
sonneur et léger, « sensible » et, si l’on veut, passionné, mais d’une
passion toute intellectuelle. Le portrait qu’il nous en a laissé, si
quelques traits y manquent, est d’une acuité, d’une vigueur d’accent,
dont on subit irrésistiblement le prestige.

Et pourtant, s’il fallait désigner le grand portraitiste du
xviiic siècle, est-ce bien un peintre qu’on devrait choisir? Plutôt que
La Tour, ne faudrait-il pas nommer IloudonP

PAUL A L F A S S A .
 
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