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Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 4. Pér. 15.1919

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Doin, Jeanne: Goya et les peintres espagnols modernes au Petit-Palais
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https://doi.org/10.11588/diglit.24917#0264

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GAZETTE DES BEAUX-ARTS

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fîcatives de Vicente Lopez (1772-1850), de Leonardo Alenza (1807-
1845), d’Eugenio Lucas (1824-1870), voire même du délicat José Gu-
tierrez de laVega, et du réaliste Antonio-Maria Esquivel, dont il fut
question ici en 1913*. Nous aurions eu ainsi sous les yeux un siècle
de peinture espagnole, ce qui aurait été, pour la divulgation de
cette école mal connue, matière à de plus amples développements.

Comme base et comme critérium de tout l’ensemble : Goya. Du
métal pur en fusion, et après la coulée, une individualité qui fait
bloc. Pour l’entourage, c’est écrasant.

11 vécut isolé au milieu d’une société instable dont il rendit par-
fois avec rudesse le caractère national. Les œuvres de Tiepolo, lés
travaux de Raphaël Mengs ne firent sur lui aucune impression. Il
dédaigna l’allégorie, l’histoire, la mythologie, la religion, et quand
il peignit à fresque l’église Saint-Antoine de la Florida1 2 ce fut
pour écouter la tradition des maitres de la Renaissance et couvrir
les murs des personnages de son temps. Aucune reconstitution
hasardeuse, aucune recherche sur le passé : il peint le monde qu’il
connaît et fréquente.

Son passage en Italie, plus tard ses séjours en France le lais-
sèrent également net de toute empreinte. 11 avoua pour maîtres
Velâzquez et Rembrandt, mais son art même se forma en dehors
d’eux, à l’école de la nature qui est la meilleure et la plus sûre
quant on la suit comme il le fit, avec passion et clairvoyance.

D’abord peintre de genre dans ses cartons pour la manufacture
de Santa Barbara, il exclut peu à peu les détails inutiles, tout en
affirmant, après chaque nouvelle découverte, sa prédilection pour le
sol natal. Et c’est de ce sol qu’il apprit les lois de la couleur, les
lois de la violence et de la grâce. Puis vint l’étude de l’homme, et
sa palette s’assombrit. Alors il fixa la frénésie des gestes et des sen-
timents sous un aspect très sombre et très emporté, car il voyait
plus volontiers le génie du mal que celui du bien. Satirique véhé-
ment et tératologue de race, il a gravé la bêtise, le vol, les sabbats,
l’hébétude, le droit du plus fort, la lâcheté du plus faible, toutes
les anomalies de la nature, tous les cris, tous les regards, toutes les
luttes, tous les supplices, tous les enlacements, toutes les folies.
Comme plus tard Edgar Poe, et comme aussi plus tard Odilon

1. M. Nelken, Correspondance d’Espaync (Gazette des Beaux-Arts, 1913, t. II,
p. 328).

2. Deux ébauches très fines, très légères, figuraient à l’Exposition.
 
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