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Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 4. Pér. 15.1919

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Nr. 4
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Schneider, René: La "Mort d'Adonis" de N. Poussin au musée de Cae͏̈n
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https://doi.org/10.11588/diglit.24917#0391

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GAZETTE DES BEAUX-ARTS

des Bâtiments l’avait devant les yeux, dans son salon, au-dessus de
la glace de la cheminée1.

Dès l’abord le sujet attire. Il ne faut jamais le négliger chez
Poussin, qui, comme tous les classiques, cristallise son œuvre
autour d’une idée longuement méditée. Mais ce sujet, il ne
l’invente pas. Est-ce pauvreté d’imagination? Non; mais, comme
les classiques encore, il craint d’inventer, par probité. Son inven-
tion, très active, ne consiste pas à imaginer une fable, mais à mar-
quer de son empreinte profonde un sujet consacré qui appartient à
tous. Aussi est-ce toujours à un texte, religieux ou profane, antique
ou moderne, prose ou poésie, que son scrupule va demander le
document sur lequel pourra s’exercer son sens personnel. Pour
la Mort d'Adonis il est constant qu’il a lu YAdone, le poème
mythologique publié à Rome en 1623 par le fameux « cavalier
Marin », son ami et protecteur à Paris avant le grand voyage en
Italie. Bellori signale cette influence, et M. Moschetti cherche à en
mesurer l’étendue avec une abondance de rapprochements qui fait
honneur à sa conscience d’érudit.

Mais quelle propension à l’exagérer! Pour devenir le grand
favoleggiatore que le Bernin admirait, Poussin n’avait pas attendu
le poète napolitain : les Bacchanales peintes au château de Che-
verny entre 1617 et 1620, lorsqu’il s’en revenait du Poitou à
Paris, payant à chaque étape sa subsistance de quelque travail de
son métier, prouvent qu’il s’ouvrait déjà à la poésie des mythes
païens, qu’il en sentait la volupté et la plasticité. Pour avoir
l’appétit de l’art italien, de Raphaël et surtout de Jules Romain, il
n’avait pas eu non plus besoin d’être initié : vers la même époque,
entre 1616 et 1620, il avait reçu le coup au cœur en feuilletant les
gravures de Marc-Antoine, collectionnées par son ami le mathéma-
ticien CourLois. Pour rêver de Rome et de la terre antique, les entre-
tiens de Marino, si évocateurs qu’ils fussent, lui étaient superflus.
Il semble, en effet, à bien lire Bellori, que leur vive amitié ne date
que de 1623; or, trois ans auparavant, Poussin avait tenté le pèle-
rinage sacré, que seul un accident, la pauvreté sans doute, avait
intercepté à Florence. Il est d’ailleurs toujours à craindre que le
souci historique, avide de causalité et de filiations, n’obnubile l’es-
prit d’analyse, qui perçoit les différences. Or, c’est ici que se révèle
le génie personnel. Comparée à YAdone, la Mort d'Adonis crie surtout

1. F. Engerand, Inventaire des tableaux du Roy, rédigé en 1709 et 1710 par
N. Bailly ; Paris, 1899.
 
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