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Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 4. Pér. 15.1919

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Nr. 4
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Schneider, René: La "Mort d'Adonis" de N. Poussin au musée de Cae͏̈n
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https://doi.org/10.11588/diglit.24917#0400

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LA « MORT D’ADONIS » DE N. POUSSIN

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Gellée. Autant qu’en laissent juger les repeints déplorables, c’esl un
peintre plus sobre, plus plasticien si l’on veut, mais encore très
conscient des conditions propres de son art, qui a modelé avec les
rayons du soir, sans prodiguer les méplats, le corps vivant de Vénus
et même celui d’Adonis. Pour parvenir à cette sûreté d’effets, on se
demande s’il n’a pas recouvert ses figures, exécutées en cire, de la
« boette » dont parle Le Blond de la Tour, et qui aurait été trouée
à l’endroit voulu pour éclairer selon la même incidence que dans le
tableau. En ne demandant à la lumière que la densité des formes,
Poussin ne se révèle pas comme un impressionniste, sans doute, mais
il use légitimement d’un droit du peintre.

Il y a aussi les reflets, qui posent çà et là leurs réveillons, sur
l’eau du fleuve, sur les rayons d’or du char, sur la grande draperie
qui en retombe en cascade de pourpre. Ils ont été repointillés par
la veuve Godefroid en 1762, mais sa maladresse n’a fait que souli-
gner lourdement les intentions de Poussin. Certes, comme il n’est
pas un luministe, il n’en recherche pas la magie mouvante et dis-
persée; ces sortes do prestiges ne séduisent pas ce peintre classique,
qui goûte surtout la précision de la ligne et la solidité de la forme.
Mais enfin ils sont dans la nature, et ce scrupuleux observateur,
qui pouvait observer tous les soirs, du haut du Pincio, les effets de
très beaux couchers de soleil, n’a nullement cherché à les éviter.
Partout ici, le ton, avant de se noyer dans l’ombre du soir, se ravi-
vait de courts éclats. Ce thrène, à l’heure élégiaque, était, en somme,
une harmonie picturale, qui transparaît encore sous la crasse
séculaire.

Le tableau a roussi et noirci; non seulement parce qu’il est
encrassé, mais parce que Poussin jetait sur ses toiles une prépara-
tion en brun rougeâtre qui, en « revenant », a obscurci les tons.
Comment était-il en sa nouveauté? Grosso question, qu’on se pose
à propos de l’œuvre exposé au Louvre, si terne (sauf Y Inspiration
du Poète), cl à propos des tableaux conservés dans les galeries étran-
gères, dont quelques-uns sont si frais de coloris. La part faite des
repointillages en clair, il devait être vif et Irais. La chair de Vénus,
son visage rougi do pleurs, ont gardé de cette vivacité première.
Le bleu du ciel a été rafraîchi, mais il est visible que sans avoir les
pigments verts qui rendent si chauds les bleus de litien et de Véro-
nèse, il n’avait pas cette crudité froide où s’aigrissent ceux de
l’école française du xvne siècle. Le crépuscule d’or qui roussit
l’herbe el les arbres est le reflet de celui qui irradiait les tableaux
 
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