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la possibilité même d'émettre un doute à ce
sujet.

Par d'ingénieux rapprochements le confé-
rencier démontra ensuite que le génie spé-
cial qui distingua les poésies de Michel-Ange
fut le même qui inspira l'artiste comme
peintre, sculpteur, architecte, c'est-à-dire le
culte du grandiose, idéalisation agrandie du
vrai, envisageant la nature dans sa nudité
d'expression^ vierge de tout compromis avec
la pruderie ou le sensualisme. Grâce à ce
parti pris esthétique qu'il ne dut qu'à son
instinct génial, Michel-Ange parvint à joindre
tant d'élévation d'idéeà tant de puissante am-
pleur plastique, qu'il semble uniquement mis
au monde pour traduire des images del'enver-
gure de celles que nous présente la Bible
ou l'Epopée Dantesque.

Au demeurant, dit M. Taruffl, les poésies de
Michel-Ange ne sont pas davantageexemptes
des défauts que l'on reproche , non sans
quelque raison, à l'ensemble de ses œuvres
plastiques ; l'exagération dans le sentiment
comme dans le rendu.

Tout considéré, si Michel-Ange eût été
formé à la littérature par de fortes études clas-
siques et particulièrement par la culture des
langues anciennes (qui lui faisait par malheur
défaut), il aurait réussi peut-être à égaler l'un
des anciens, Horace ou Pindare. Tel que ses
œuvres littéraires nous le font connaître, on
possède encore le droit de le proclamer le
premier des lyriques de son temps et même
de tout le siècle de Léon X.

Cette conférence , qui dura près d'une
heure, fut écoutée avec une attention visible
et un intérêt croissant. L'orateur, il faut le
dire, prêchait des convaincus. Sa part était
assez belle pour qu'il triomphât d'emblée;
ce fut l'opinion de l'auditoire, nous la par-
tageâmes avec enthousiasme.'

VI.

En Italie, pas de véritable réjouissance
populaire sans que la musique n'y contribue
pour une large part.

Une matinée de musique servit donc na-
turellement d'introduction à la sortie du cor-
tège qui déjà se préparait. Le local avait été
intelligemment choisi pour la circonstance.

A midi, une foule compacte, appartenant
aux classes élevées, se pressait aux portes
du Palais-Vieux et envahissait bientôt de ses
flots pressés la vaste salle deiCinque cento. Le
concert avait été organisé par souscription,
mais l'entrée restait libre à tous ceux qui
étaient munis de la carte de représentants.

Le Palais-Vieux « Palazzo Vecchio, » qui
s'élève sur la Piazza délia Signoria, l'antique
forum de la cité, ressemble tout-à fait à un
château-fort avec ses créneaux, ses mâche-
coulis et la haute tour d'une solidité admi-
rable qui surmonte sa terrasse et s'élève à
près de cent mètres.

Construit vers 1298 par Arnolfo di Cambio,
l'architecte qui entreprit S. Maria del flore,
il fut le siège de l'ancien gouvernement
(Signoria) de'la République et porte encore,
sous les arcades de la galerie supérieure,
les écus armoriés des villes toscanes. Cet
édifice servit de résidence à Cosme « le père
de la patrie » avant que celui-ci eût fait
élever par Micheluzzo le palais Médicis, ap-
pelé depuis Riccardi, servant aujourd'hui
d'hôtel de la Préfecture.

Agrandi une première fois par Michelozzo
et une seconde par Vasari, le Palais-Vieux
est à l'heure présente le siège du Municipe
florentin.

Au dessus de la porte d'entrée, se voient
deux lions qui ne rappellent en rien le Mar-
zocco et sont constitués défenseurs d'une
inscription lapidaire d'une modestie équi-
voque : REX REGUM ET DOMINUS DOMINÀNTIVM.

Des deux Termes qui cantonnent cette
entrée, l'homme a été sculpté par Rossi, la
femme par Bandinelli. Ce rival de Michel-
Ange est aussi l'auteur du groupe d'Hercule
et Cacus, placé autrefois comme pendant du
David que l'on vient de transporter à l'Aca-
démie dans une salle spéciale. Reproduit
en bronze, ce chef-d'œuvre de la jeunesse
du maître, a été érigé sur le Piazzale de la
colline S. Miniato à l'occasion du ive cente-
naire.

Tous les artistes connaissent, au moins
par la gravure ou la photographiera célèbre
cour du Palais-Vieux. Des maîtres du pre-
mier ordre contribuèrent à son ornementa-
tion. Les colonnes des arcades, aux fûts
délicatement ouvrés d'arabesques, sont dus
au ciseau de Michelozzo; la petite fontaine
du centre de l'atrium, fut érigée sur un
dessin de Vasari; la vasque de porphyre fut
sculptée par Tadda et la charmante petite
statue de bronze, l'Enfant au poisson, mo-
delée par le Verrochio.

Le concert était donné dans la grande
salle qui servit quelque temps aux séances
du Parlement italien. Nous avions vu, l'an
dernier, démolir les cloisons de bois qui
avaient servi à l'approprier; aujourd'hui,
toute trace de cette destination transitoire
■ a heureusement disparu.

La salle des Cinq cents a son histoire et sa
légende. Le Cronaca, d'après l'ordre de Sa
vonarole, la disposa pour les séances du
Consilio grande. La vertigineuse activité des
constructeurs qui ne cessèrent ni jour ni
nuit et la rapidité de l'exécution, parurent
si extraordinaires que le peuple ne manqua
pas d'en faire honneur à une intervention
surnaturelle. Cette croyance fut habilement
exploitée par le moine de St-Marc dont elle
servait les dessins ambitieux. Aujourd'hui
que voilà près de quatre siècles écoulés,
les matrones de Florence racontent encore
sérieusement que les anges s'étaient faits
maçons pour élever plus vite la salle du
Palais-Vieux (1).

C'est sur les deux longues parois que
devaient être peints à fresque les fameux
cartons de la « Bataille d'Anghiani » par
Léonard de Vinci et de la « Guerre de Pise »
par Michel-Ange. Dès qu'elles furent expo-
sées, ces deux grandes œuvres de l'école
nouvelle passionnèrent la foule et suscitè-
rent une véritable révolution dans le monde
des artistes.

La funeste étoile qui conduisit Savona-
role au bûcher, étendit sa fatale influence
sur les précieux cartons de la salle du grand
conseil. Léonard de Vinci avait bien essayé
de transporter sa composition sur la mu-
raille, mais le mauvais état de l'enduit qu'on
avait employé le contraignit à abandonner
son œuvre. La révolution qui amena la chute
du dominicain en ajourna indéfiniment l'exé-
cution. Détruits ou égarés, les cartons dis-
parurent dans ce cataclysme, demeurèrent
introuvables (2) et sont probablement perdus
pour la postérité.

(1) Che gli aiigioli a quell' opéra s'esercitassero
in luogo di muratori ed opérai, perche più presto
fosse finita. — Bulamaechi. — Nerli, p. 66.

(2) Une copie de petite dimension d'un épisode
de la Bataille d'Angliiami, « Groupe de quatre cava-

. Des épisodes de l'histoire des Médicis
couvrent aujourd'hui les murs où devaient
figurer le Combat des Cavaliers et les Soldats
au bain; ils sont l'œuvre du Cigoli,de Lucca
Giordanq, Ligozzi, Passignano et Vasari. Ces
peintures intéressent moins que les admira-
bles stucs de Donatello et les statues des
Médicis par Bandinelli. D'autres groupes de
sculpture, au nombre desquels se trouvaient
les travaux d'Hercule, de Vincenzo de Rossi,
ont été enlevés lors des changements dont
nous avons parlé ; ils se voient actuellement
au premier étage du musée national du Bar-
gello.

Dans ce local historique, si bien fait pour
le plaisir des yeux et de l'intelligence, la
société orchestrale florentine, dirigée par le
Cav. Iefte Sbolci, devait encore essayer de
charmer nos oreilles par un grand concert
vocal et instrumental.

Le programme portait, attrayante mention,
qu'on devait y chanter plusieurs poésies de
Michel-Ange mises en musique par des com-
positeurs de son temps.

Rendons justice à l'incomparable orches-
tre— digne d'un auditeur plus sérieux et plus
attentif—au son duquel nous avons molle-
ment bercé notre rêverie pendant deux
heures délicieuses. La symphonie de l'opéra
de Meyerbeer, Dinorah (Pardon de Ploërmel
est intraduisible), et surtout l'ouverture de
Semiramide de Bossini, furent enlevées
comme savent le faire des instrumentistes
italiens en un jour de bataille où ils veulent
faire montre d'éclatante virtuosité. En narra-
teur véridique, nous constaterons cependant
que les Madrigali de Michel-Ange
Deh ! dirhmi amor !

et

Io dico che fra voi !
mis en musique par Archadelt et publiés à
Venise, en 1565, par F. Rampazetto , sont
tout au plus des mélodies archéologiques,
dont l'interprétation moderne est peu faite
pour ajouter quelque chose à la gloire de
Michel-Ange. Les choristes (surtout les
jeunessignore) s'égarèrent tout-à-fait au beau
milieu du second madrigal et ce fut avec un
véritable soulagement que le public les vit
reprendre leurs sièges.

Cette petite déconvenue jeta un froid que
vint dissiper heureusement le brio rossinien
du morceau de clôture. D'unanimes applau-
dissements firent trembler les combles : les
fêtes du Centenaire étaient inaugurées.

Au moment de sortir, un huissier nous
remet la carte de visite de M. Ubaldino
Peruzzi, Sindaco e Deputato; elle porte cet
avis écrit à la main, en français : «MM. les
» représentants sont priés de se réunir au-
» jourd'huide 2 1/2 à 3 h. au Palais-Vieux
» en passant par la porte delà via de Leoni.»

Le cortège triomphal était dans l'air.

VI.

La Via dei Leoni longe la façade postérieure
du Palais-Vieux. Déjà vers deux heures un
quart, un véritable encombrement se faisait
pressentir; des groupes nombreux d'invités,
munis de cartes spéciales, débouchaient de
toutes les rues avoisinantes, tous en tenue
de cérémonie, cravate et gants blancs, habits
noirs plus ou moins constellés de décorations

liers se disputant un étendard» dessinée par Kubens,
peut se voir au musée du Louvre. Ce précieux dessin
a été acquis en 1862 au prix de 4000 frs à la vente
du comte de Bark à Stockolm.
 
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