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—182 —

omniformes aux rubans omnicolores. Tout
cola s'engouffrait sous la profonde voussure
du portail et se pressait de gravir le spacieux
escalier de marbre conduisant aux salles de
l'étage du Palais communal.

Le syndic et ses assesseurs, secondés par
le chevalier Parrini, le marquis Torrigiani et
d'autres membres du comité des Fêtes du
centenaire, se multiplient pour accueillir
ces hôtes nombreux, répondre à toutes les
adresses, improviser les présentations. Tout
le monde veut parler ù la fois, c'ést, avec la
civilisation et la courtoisie modernes en plus,
Babel en miniature, au moment psychologique
de la confusion des langues.

Le flot des arrivants grossit à chaque mi-
niute. La salle d'attente ne suffit plus à ce
débordement humain, on ouvre à la hâte
toutes les pièces avoisinantes.

Nous faisions partie d'un groupe compact
où la chaleur se faisait intense quand, tout a
coup, nous aperçûmes un membre de l'aca-
démie Délia Crusca dont nous avions fait
connaissance l'an dernier en visitant le
Musée national du Bargello. Il nous reconnaît
d'emblée et nous fait signe de le joindre; le
veinard avait réussi d'accaparer seul une
profonde et confortable embrasure à l'ombre.
Le tout est de parvenir jusqu'à lui. Nous
exerçons une pesée triomphante sur le groupe
adjacent qui cède. — Merci. — Nous voilà à
l'abri des coudes des manifestants. Tous deux
nous nous éventions avec volupté dans ce
buen retiro, quand deux mains s'élèvent à la
fois d'un fouillis voisin et se tendent vers
nous. — Voilà Schoy ! — C'élait M. Slinge-
neyer, et, tout à côté, MM. Alvin et Fraikin,
membres de l'Institut de Belgique.

Je savais comment s'appelaient les « tre
deputati dei Belgio. »

Etes vous seuls! tellefut ma réponse,lecri
du cœur à l'aspect de ces visages amis de
compatriotes. Hier encore nous étions joyeux
d'apprendre l'arrivée de ces trois représen-
tants. Dans cette foule pressée de nations
diverses, rari riantes in gurgite vasto, il nous
sembla que trois Flamands ne faisaient pas
suffisamment nombre. Hier nos vœux récla-
maient avec désespoir un seul compatriote,
aujourd'hui nous en eussions voulu rencon-
trer une cinquantaine. Quant aux causes de
leur venue tardive, nous apprîmes en deux
mots que les invitations avaient été re-
çues au dernier moment, que des motifs
de santé empêchant l'un des députés dé-
signés de se mettre immédiatement en
route, l'on avait perdu de ce chef un temps
précieux ; enfin bref, l'on était parti en
vraie fugue, avec des malles bâclées à la
hâte, où l'on venait de constater une foule de
lacunes et d'oublis. Les députés français
devaient avoir éprouvé un pire destin, car
nous aperçûmes, à deux pas, M. Garnier en
redingote, M. Meissonier en veston et
M. Charles Blanc en paletot sac, tous d'ail-
leurs en chapeau mou. Ces MM. n'avaient,
paraît-il, pas eu le temps d'endosser l'habit
noir de rigueur et se trouvaient sans leurs
décorations. Les Italiens, peu au courant sans
doute, de leurs circonstances atténuantes, ne
se gênaient pas pour critiquer vertement le
sans-gêne de leur tenue en cette circon-
stance solennelle. Sur ce point nos Flamands
étaient d'une correction irréprochable. Le
côté où nous nous trouvions par hasard pou-
vait s'appeler à bon droit le coin aux célé-
brités : nous remarquâmes, en petit comité,
M. de Engerth, l'éminent Directeur de l'Aca-

démie de Vienne, le même qui nous accueillit
si cordialement en -1873; MM. Floecke de
Weimar, von Lutzow de Francfort, Hàhnel,
Grosse et Grùner de Dresde ; les peintres
Lanfredini de Pise et Rapisardi de Florence;
Dupré le statuaire, le Comte de Rosen, dé-
puté de l'Académie suédoise; M. Lange, se-
crétaire de l'Académie de Copenhague ;
M. Burton, Directeur du British Musœum
et M. Holmes, bibliothécaire de S. M. la
reine Victoria à Windsor Castle.On se montre
avec déférence le fils de l'ilustre Botta cau-
sant avec le sénateur Alcardo Alcardi. Ce
dernier, qui possède une physionomie digne
du Bronzino ou de Michel-Ange, tient déjà
sous le bras le rouleau de papier contenant
l'éloge de l'artiste qu'il lira tantôt sur le
seuil de sa demeure à la Via Ghibellina.

Parmi toutes ces célébrités, se tient un
jeune soldat que tout le monde s'empresse
de regarder curieusement, auquel tous ces
personnages officiels qui représentent l'Eu-
rope savante, littéraire ou artistique, se font
honneur d'aller serrer la main. Cet adoles-
cent que nous avons déjà entrevu ce matin
au Salone dei Cinque Cento , c'est Etlore,
fils de Leonardo Buonarroti, le dernier des-
cendant mâle de la race de Michel-Ange.
D'après le désir exprimé par S. M. Victor-
Emmanuel aussi gracieusement formulé que
militairement transmis à son colonel : « Le
« soldat Ettore Buonarroti devait demeurer
« agrégé au district militaire de Florence
« pour le temps des Fêtes et pendant toute
« cette période devait être laissé en pleine-
« liberté et considéré comme en congé. »

Ettore Buonarroti est de taille moyenne,
d'un tempérament sec et nerveux; le teint
« froment doré, » les yeux bruns, le nez
aquilin, tel que devait l'avoir son ancêtre
avant le coup de poing de Torregiano, les
lèvres un peu fortes ombragées d'une fine
moustache, l'air modeste mais décidé. Il
répond brièvement en pur dialecte toscan
aux questions qu'on lui pose et distribue ra-
pidement des shake hands à l'anglaise. Ce
matin, au Salone, il tenait par la main une
jeune fille d'une dizaine d'années ; sa tante,
Madm<" Teresa Buonarroti, veuve du peintre
Michel-Ange, habite encore le château de
Settignano où nous avons pu voir la fa-
meuse esquisse du Satyre. Le père d'Ettore
s'appelait Leonardo, on voit que la tradition
des prénoms historiques a été religieuse-
ment conservée dans cette noble famille.

C'est sous la tunique bleue-grise du sim-
ple fantassin du 38e régiment de ligne, que
l'héritier d'armes et de nom de Michel-
Ange assiste aux Fêtes célébrées en l'hon-
neur du quatrième centenaire de son illustre
ancêtre. Dernier rameau vivant delà souche
des Buonarroti, Ettore pouvait-il être autre
chose qu'artiste ou soldat.

VII.

Les donzelli du syndic montrent leurs ha-
bits rouges : l'heure a sonné, le cortège
va se mettre en marche. Les huissiers im-
provisent des miracles de classitication, les
représentants étrangers des prodiges de
bonne volonté, de science devinatoire et de
tactique savante. L'on descend : bientôt le
premier manipule officiel traverse la cour
de Michelozzo et se montre à la porte prin-
cipale de la Place de la Signoria. Vingt
bandes musicales entament alors une marche
triomphale qui n'aura plus d'interruption et
dont les derniers échos viendront mourir

sur les collines qui encadrent le Piazzale
bien longtemps après le coucher du soleil.

Les représentants avaient été réunis au
Palazzo-Vecchio ; les corporations, Place de
la Signoria et sous les Portiques des Ufflizj.

A trois heures un quart, des salves d'ar-
tillerie éclatent du fort de Basso : les clo-
ches du Campanile du Palais-Vieux s'ébran-
lent en joyeuses volées, les rues sont pleines
de bruit, regorgent de monde; sur la place
de la Signoria il est devenu impossible de
circuler. Le soleil est splendide, l'allégresse
publique est sans égale.

La tête du cortège, massée sous les Uffizj,
se met alors en mouvement. Mille oriflammes
de taffetas soyeux ondoyent au haut des
hampes dorées. Quelques-unes sont magni-
fiques, ce sont celles des tapissiers-décora-
teurs, des typographes et de la corporation
des Facchini. Mais la great-attraction est
pourtant dévolue aux modestes bannières
delà commune de Caprese, du village de
Chiusi et de la paroisse de San-Stephano.
Un reflet de la gloire Michelangesque ne
semble-t-il pas, en effet, les couronner d'une
auréole immortelle.

Tous ces étendards portent les écus ar-
moriés de villes, de municipes, de corpora-
tions, d'académies, de députations innom-
brables. Les émaux héraldiques les plus
criards papillotent harmonieusement sous
les vigoureux glacis des rayons du chaud
soleil d'Etrurie.

Le défilé commence : un bataillon du 20e
de ligne, précédé de sa bande musicale, ouvre
la marche. Dans le cortège Michelangesque,
l'élément militaire occupe une place que l'on
remarque avec plaisir. Le cortège ne doit-il
pas s'arrêter au bastion San-Miniato où
l'artiste se montra, à l'heure du danger pour
sa patrie, soldat intrépideetingénieurhabile.

La Societa dei Corifei et le Cercle choral
florentin s'avancent les premiers ; puis vien-
nent les corporations des Cochers, des Bou-
langers, des Facchini; la Société de Secours
mutuels des Bouchers suivie de la nombreuse
corporation des Parrucchieri.

L'Association des Traiteurs, Cafetiers et
Pâtissiers précède les corporations des Cor-
donniers, des Chapeliers, des Tapissiors-
Garnisseurs. L'Alliance des Typographes ,
les Sociétés de Secours mutuels de Florence
et de Milan, l'Union ouvrière florentine ve-
naient immédiatement après ; ajoutons encore
à ce groupe la nouvelle Société d'artisans di
Campi Bisenzio.

La Fédération des travailleurs voyait son
gonfalon suivi de quarante-quatre bannières.
Un étendard portant le portrait de Michel-
Ange avec cette inscription : Onore a Mi-
chelangiolo précédait les députés du Cercle
des chemins de fer, de l'Association com-
merciale, de celle des Artistes-Musiciens,
des Instituts Teutonique, Cavour, Galileo et
Cavallero, de l'Académie dei Fidenti, de la
Société Victor-Emmanuel, du Comité magna-
nier, de la Société de Secours mutuels des
arts décoratifs, de la Société Michelangiolo,
enfin de la Chambre du Commerce et des
Arts de Florence.

Toutes les opinions, toutes les tendances,
tous les cultes semblaient confondus dans
la pensée commune de la gloire italienne.
Les liberi-pensatori avaient envoyé leurs
députés tout comme l'Assistance mutuelle
aux malades de San-Martino et la Société de
Secours mutuels per le Onoranze funèbre.
La Societa Filodramatica Galilei et la Societa
 
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