I 8 4 HISTOIRE DES MAMLOUKS D'EGYPTE.
la guerre avec les Russes le rappela. Il laissa en partant le cheykh-belâdat à Isma'yl-
bey; Isma'yl créa émyr des pèlerins Hasan-bey Geddâouy, avec qui il partagea
l'autorité.
Il géroit depuis quelques mois avec équité le cheykh-belâdat, auquel il avoit
été rendu, quand une insurrection s'éleva tout-à-coup, occasionnée par les actes
arbitraires que se permit sur le peuple un certain Ahmed, créature de Hasan, que
l'on avoit nomme ouâly ou chef de la police du Kaire : elle fit couler un peu de sang,
et s'apaisa par l'exil du coupable, qui devint cependant bey quelque temps après.
Le calme étant rétabli, Isma'yl continua de gouverner jusqu'en i 205 de l'hégire,
époque funeste aux Egyptiens et particulièrement aux habitans de la capitale:
ceux-ci furent en grande partie victimes du fléau de la peste, dont les ravages
n'avoient jamais été aussi affreux ; elle emportoit journellement des milliers d'indi-
vidus. Les autorités furent renouvelées jusqu'à trois fois dans le même jour ;
Isma'yl et presque toute sa maison succombèrent à la contagion. On ne peut
sans horreur se rappeler au Kaire la peste d'Isma'yl.
Ce fléau rétablit les affaires d'Ibrâhym et de Morâd; car O'tmân-bey Tabel,
reste de la maison d'Isma'yl, se trouvant hors d'état de fournir aux dépenses et
de soutenir la charge de cheykh cl-belàd qu'on venoit de lui conférer, les appela
au Kaire, où ils revinrent le 5 de la lune de qa'deh de la même année. Hasan-
bey Geddâouy se retira, à leur approche, dans la haute Egypte.
Le retour des deux beys fut suivi d'une famine horrible qu'on les accusa d'avoir
suscitée, afin de se défaire à meilleur prix des grains accaparés par eux au Sa'yd.
Ils renversèrent les autorités en en établissant d'autres, et, malgré la disette, ne
songèrent qu'à bien vivre et à bien vêtir leurs Mamlouks. Les violences qu'ils se
permirent pour cela, et sur-tout celles de Mohammed-bey l'Elfy, occasionnèrent
une insurrection générale qui les força à suspendre momentanément leurs exac-
tions ; mais ils les renouvelèrent dans la suite. Ayant épuisé la fortune du peuple,
ils taxèrent le commerce étranger, et principalement celui des Français. On
eut beau réclamer: au lieu d'être écouté, on eut la douleur de voir les avanies s'en
accroître davantage; et Morâd venoit même d'en frapper une nouvelle, quand
il apprit qu'une armée envoyée par le Gouvernement Français, irrité contre les
Mamlouks, étoit débarquée et avoit pris Alexandrie. II se moqua d'abord de ce qu'il
appeloit une armée de mécréans, et s'avança témérairement pour en faire raison.
Le combat de Chobrâkhyt et la bataille des Pyramides lui ayant appris, à son
déshonneur, que les Français ne sont pas des Turcs, il s'enfuit avec Ibrâhym au
Sa'yd , abandonnant au général Français les pays qu'il n'avoit pas su aussi bien
défendre qu'opprimer. Ce fut le 7 de la lune de safar 121 3 que le Kaire ouvrit
ses portes à l'armée d'Orient, dont les victoires suspendirent passagèrement cet
enchaînement de proscriptions et de meurtres, qui ne pourra cesser que par l'ex-
tinction totale des Mamlouks.
MEMOIRE
la guerre avec les Russes le rappela. Il laissa en partant le cheykh-belâdat à Isma'yl-
bey; Isma'yl créa émyr des pèlerins Hasan-bey Geddâouy, avec qui il partagea
l'autorité.
Il géroit depuis quelques mois avec équité le cheykh-belâdat, auquel il avoit
été rendu, quand une insurrection s'éleva tout-à-coup, occasionnée par les actes
arbitraires que se permit sur le peuple un certain Ahmed, créature de Hasan, que
l'on avoit nomme ouâly ou chef de la police du Kaire : elle fit couler un peu de sang,
et s'apaisa par l'exil du coupable, qui devint cependant bey quelque temps après.
Le calme étant rétabli, Isma'yl continua de gouverner jusqu'en i 205 de l'hégire,
époque funeste aux Egyptiens et particulièrement aux habitans de la capitale:
ceux-ci furent en grande partie victimes du fléau de la peste, dont les ravages
n'avoient jamais été aussi affreux ; elle emportoit journellement des milliers d'indi-
vidus. Les autorités furent renouvelées jusqu'à trois fois dans le même jour ;
Isma'yl et presque toute sa maison succombèrent à la contagion. On ne peut
sans horreur se rappeler au Kaire la peste d'Isma'yl.
Ce fléau rétablit les affaires d'Ibrâhym et de Morâd; car O'tmân-bey Tabel,
reste de la maison d'Isma'yl, se trouvant hors d'état de fournir aux dépenses et
de soutenir la charge de cheykh cl-belàd qu'on venoit de lui conférer, les appela
au Kaire, où ils revinrent le 5 de la lune de qa'deh de la même année. Hasan-
bey Geddâouy se retira, à leur approche, dans la haute Egypte.
Le retour des deux beys fut suivi d'une famine horrible qu'on les accusa d'avoir
suscitée, afin de se défaire à meilleur prix des grains accaparés par eux au Sa'yd.
Ils renversèrent les autorités en en établissant d'autres, et, malgré la disette, ne
songèrent qu'à bien vivre et à bien vêtir leurs Mamlouks. Les violences qu'ils se
permirent pour cela, et sur-tout celles de Mohammed-bey l'Elfy, occasionnèrent
une insurrection générale qui les força à suspendre momentanément leurs exac-
tions ; mais ils les renouvelèrent dans la suite. Ayant épuisé la fortune du peuple,
ils taxèrent le commerce étranger, et principalement celui des Français. On
eut beau réclamer: au lieu d'être écouté, on eut la douleur de voir les avanies s'en
accroître davantage; et Morâd venoit même d'en frapper une nouvelle, quand
il apprit qu'une armée envoyée par le Gouvernement Français, irrité contre les
Mamlouks, étoit débarquée et avoit pris Alexandrie. II se moqua d'abord de ce qu'il
appeloit une armée de mécréans, et s'avança témérairement pour en faire raison.
Le combat de Chobrâkhyt et la bataille des Pyramides lui ayant appris, à son
déshonneur, que les Français ne sont pas des Turcs, il s'enfuit avec Ibrâhym au
Sa'yd , abandonnant au général Français les pays qu'il n'avoit pas su aussi bien
défendre qu'opprimer. Ce fut le 7 de la lune de safar 121 3 que le Kaire ouvrit
ses portes à l'armée d'Orient, dont les victoires suspendirent passagèrement cet
enchaînement de proscriptions et de meurtres, qui ne pourra cesser que par l'ex-
tinction totale des Mamlouks.
MEMOIRE