Universitätsbibliothek HeidelbergUniversitätsbibliothek Heidelberg
Metadaten

Murger, Henri; Gill, André [Ill.]
La vie de bohème — Paris, [1877]

DOI Seite / Zitierlink: 
https://doi.org/10.11588/diglit.8482#0075
Überblick
loading ...
Faksimile
0.5
1 cm
facsimile
Vollansicht
OCR-Volltext
LA VIE DE BOHÊME

07

les invites qui arrivaient ; ils parurent étonnés de voir du feu
dans le poêle.

L'habit noir de Rodolphe allait au-devant des dames et leur
baisait la main avec une grâce toute régence ; quand il y eut
une vingtaine de personnes, Schaunard demanda s'il n'y aurait
pas une tournée de quelque chose.

— Tout à l'heure, dit Marcel ; nous attendons l'arrivée du
critique influent pour allumer le punch.

A huit heures, tous les invités étaient au complet, et l'on
commença à exécuter le programme. Chaque avertissement
était alterné d'une tournée de quelque chose ; on n'a jamais su
quoi.

Vers les dix heures on vit apparaître le gilet blanc du criti-
que influent ; il ne resta qu'une heure et fut très-sobre dans sa
consommation.

Sur le minuit, comme il n'y avait plus de bois et qu'il faisait
très-froid, les invités qui étaient assis tiraient au sort à qui jet-
terait sa chaise au feu.

A une heure tout le monde était debout.

Une aimable gaieté ne cessa point de régner parmi les in-
vités. On n'eut aucun accident à regretter, sinon un accroc
fait à la poche aux langues étrangères de l'habit de Colline, et
un soufflet que Schaunard appliqua à la fille du chancelier de
Cromwell.

Cette mémorable soirée fut pendant huit jours l'objet de
la chronique du quartier ; et Phémie Teinturière, qui avait
été reine de la fête, avait l'habitude de dire en en parlant à ses
amies :

C'était fièrement beau; il y avait de la bougie, ma chère.

VI

MADEMOISELLE MUSETTE

Mademoiselle Musette était une jolie fille de vingt ans, qui,
peu de temps après son arrivée à Paris, était devenue ce que
deviennent les jolies filles quand elles ont la taille fine, beau-
coup de coquetterie, un peu d'ambition et guère d'orthographe.
Après avoir fait longtemps la joie des soupers du quartier
Latin, où elle chantait d'une voix toujours très-fraîche, sinon
très-juste, une foule de rondes campagnardes qui lui valurent
le nom sous lequel l'ont depuis célébrée les plus fins lapidaires
de la rime, mademoiselle Muselle quitla brusquement la rue
de la Harpe pour aller habiter les hauteurs cythéréennes du
quartier Bréda.

Elle ne tarda pas à devenir une des lionnes de l'aristocratie
du plaisir, et s'achemina peu à peu vers cette célébrité qui con-
siste à être citée dans les courriers de Paris, ou lithographice
chez les marchands d'estampes.
 
Annotationen