Universitätsbibliothek HeidelbergUniversitätsbibliothek Heidelberg
Metadaten

Murger, Henri; Gill, André [Ill.]
La vie de bohème — Paris, [1877]

DOI Seite / Zitierlink: 
https://doi.org/10.11588/diglit.8482#0228
Überblick
loading ...
Faksimile
0.5
1 cm
facsimile
Vollansicht
OCR-Volltext
220

LA VIE DE BOHÊME

Comme il pouvait encore agir et marcher, Jacques pria le di-
recteur de l'hôpital de lui donner une petite chambre dont on ne
se servait point, et il y fit apporter une selle, des ébauchoirs et
de la terre glaise. Pendant les quinze premiers jours il travailla
à la ligure qu'il destinait au tombeau de Prancine. C'était un
grand ange aux ailes ouvertes. Cette figure, qui était le portrait
de Francine, ne fut pas entièrement achevée, car Jacques ne
pouvait plus monter l'escalier, et bientôt il ne put plus quitter
son lit.

Un jour, le cahier de l'externe lui tomba entre les mains, et
Jacques, en voyant les remèdes qu'on lui ordonnait, comprit
qu'il était perdu ; il écrivit à sa famille, et fit appeler la sœur
Sainte-Geneviève, qui l'entourait de tous ses soins charitables.

— Ma sœur, lui dit Jacques, il y a là-haut dans la chambre
que vous m'avez fait prêter, une petite figure en plâtre ; cette
statuette, qui représente un ange, était destinée à un tombeau,
mais je n'ai pas le temps de l'exécuter en marbre. Pourtant,
j'en ai un beau morceau chez moi, du marbre blanc veiné de
rose. Enfin... ma sœur, je vous donne ma petite statuette pour
mettre dans la chapelle de la communauté.

Jacques mourut peu de jours après. Comme le convoi eut lieu
le jour môme de l'ouverture du salon, les Buveurs d'eau n'y
assistèrent pas. L'art avant tout, avait dit Lazare.

La famille de Jacques n'était pas riche, et l'artiste n'eut pas
de terrain particulier.

11 fut enterré quelque part.'

XIX

LES FANTAISIES DE MUSETTE.

On se rappelle peut-être comment le peintre Marcel vendit
au juif Médicis son fameux tableau du Passage de la mer Rouge,
qui devait aller servir d'enseigne à la boutique d'un marchand
de comestibles. Le lendemain de cette vente qui avait été suivie
d'un fastueux souper offert par le juif aux bohèmes, comme
appoint au marché, Marcel, Schaunard, Colline et Rodolphe se
réveillèrent fort tard le matin. Encore étourdis les uns et les
autres par les fumées de l'ivresse de la veille, ils ne se ressou-
vinrent plus d'abord de ce qui s'était passé; et comme Y Angélus
de midi sonnait à une église prochaine, ils s'entre-regardèrent
tous trois avec un sourire mélancolique.

— Voici la cloche aux sons pieux qui appelle l'humanité au
réfectoire, dit Marcel.

— En effet, reprit Rodolphe, c'est l'heure solennelle où les
honnêtes gens passent dans la salle à manger.

— 11 faudrait pourtant voir à devenir d'honnêtes gens, mur-
mura Colline, pour qui c'était tous les jours la Saint-Appétit.
 
Annotationen