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Murger, Henri; Gill, André [Ill.]
La vie de bohème — Paris, [1877]

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https://doi.org/10.11588/diglit.8482#0109
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LA VIE DE BOHEME

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au dénoûment, qui ne fit que flamber et s'éteindre. Au même
moment, Rodolphe encadrait dans un magnifique élan de
lyrisme les dernières paroles du défunt en l'honneur de qui
il venait de travailler. Il en restera pour une seconde repré-
sentation, dit-il en poussant sous son lit quelques autres ma-
nuscrits.

Le lendemain, à huit heures du soir, mademoiselle Angèle
faisait son entrée au bal, ayant à la main un superbe bouquet de
violettes blanches, au milieu desquelles s'épanouissaient deux
roses, blanches aussi. Toute la nuit, ce bouquet valut à la jeune
fille des compliments des femmes et des madrigaux des hom-
mes. Aussi Angèle sut-elle un peu gré à son cousin qui lui
avait procuré toutes ces petites satisfactions d'amour-propre,
et elle aurait peut-être pensé à lui davantage sans les galantes
persécutions d'un parent de la mariée qui avait dansé plusieurs
fois avec elle. C'était un jeune homme blond, et porteur d'une
de ces superbes paires de moustaches relevées en crocs, qui
sont des hameçons où s'aerrochent les cœurs novices. Le jeune
homme avait déjà demandé à Angèle qu'elle lui donnât les deux
roses blanches qui restaient de son bouquet, effeuillé par tout
le monde:.. Mais Angèle avait refusé, pour oublier à la fin du
bal les deux fleurs sur une banquette, où le jeune homme blond
courut les prendre.

A ce moment-là il y avait quatorze degrés de froid dans le
belvédère de Rodolphe, qui, appuyé à sa fenêtre, regardait
du côté de la barrière du Maine les lumières de la salle de
bal où dansait sa cousine Angèle, qui ne pouvait pas le
souffrir.

X

LE CAP DES TEMPÊTES

Il y a dans les mois qui commencent chaque nouvelle saison
des époques terribles : le 1er et le 15 ordinairement. Rodolphe,
qui ne pouvait voir sans effroi approcher l'une ou l'autre de ces
deux dates, les appelait le cap des Jempctes. Ce jour-là, ce n'est
point l'Aurore qui ouvre les portes de l'Orient, ce sont des
créanciers, des propriétaires, des huissiers et autres gens de
sac.oches. Ce jour-là commence par une pluie de mémoires,
de quittances, de billets, et se termine par une grêle de protêts,
Dies iras!

Or, le matin d'un 15 avril, Rodolphe dormait fort paisible-
ment... et rêvait qu'un de ses oncles lui léguait par testament
toute une province du Pérou, les Péruviennes avec.

Comme il nageait en plein dan%un Pactole imaginaire, un
bruit de clef tournant dans la serrure vint interrompre l'hé-
ritier présomptueux au moment le plus reluisant de son rêve
doré.

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