Universitätsbibliothek HeidelbergUniversitätsbibliothek Heidelberg
Metadaten

Murger, Henri; Gill, André [Ill.]
La vie de bohème — Paris, [1877]

DOI Seite / Zitierlink: 
https://doi.org/10.11588/diglit.8482#0101
Überblick
loading ...
Faksimile
0.5
1 cm
facsimile
Vollansicht
OCR-Volltext
LA VIE DE BOHÊME

93

— Voilà le fond de ma bourse, mon cher, tren te et un sous.

— Donnez vite, donnez, que je me sauve ! dit Rodolphe qui
venait d'entendre sonner cinq heures, et il se hâta de courir au
Jieu de son rendez-vous.

— Ç'a été dur à tirer, fit-il en comptant sa monnaie. Cent
sous, juste comme de For. Enfin, je suis paré, et Laure verra
qu'elle a affaire à un homme qui sait vivre. Je ne veux pas
rapporter un centime chez moi ce soir. Il faut réhabiliter les
lettres, et prouver qu'il ne leur manque que de l'argent pour
être riches.

Rodolphe trouva mademoiselle Laure au rendez-vous.

— A la bonne heure ! dit-il. Pour l'exactitude, c'est une
femme Bréguet.

Il passa la soirée avec elle, et fondit bravement ses cinq
francs au creuset de la prodigalité. Mademoiselle Laure était
enchantée de ses manières et voulut bien s'apercevoir que
Rodolphe ne la reconduisait pas chez elle qu'au moment où il
la faisait entrer dans sa chambre à lui.

— C'est un faute que je fais, dit-elle. N'allez point m'en faire
par une ingratitude qui est l'apanage de votre sexe.

— Madame, dit Rodolphe, je suis connu pour ma constance
repentir C'est au point que tous mes amis s'étonnent de ma
fidélité, et m'ont surnommé le général Bertrand de l'amour.

IX

LES VIOLETTES DU POLE

En ce temps-là, Rodolphe était très-amoureux de sa cousine
Angôle, qui ne pouvait pas le souffrir, et le thermomètre de
l'ingénieur Chevalier marquait douze degrés au-dessous de
zéro.

Mademoiselle Angèle était la fille de M. Monetti, le poôlier-
fumiste dont nous avons eu occasion de parler déjà. Mademoi-
selle Angèle avait dix-huit ans, et arrivait de la Bourgogne, où
elle avait passé cinq années près d'une parente qui devait lui
laisser son bien après sa mort. Cette parente était une vieille
femme qui n'avait jamais été ni jeune ni belle, mais qui avait
toujours été méchante, quoique dévote, ou parce que, Angèle
qui, à son départ, était une charmante enfant, dont l'adoles-
cence portait déjà le germe d'une charmante jeunesse, revint au
bout de cinq années changée en une belle, mais froide, mais
sèche et indifférente personne. La vie retirée de province, les
pratiques d'une dévotion outrée et l'éducation à principes mes-
quins qu'elle avait reçue avaient rempli son esprit de préjugés
vulgaires et absurdes, rétréci son imagination, et fait de son
cœur une espèce d'organe qui se bornait à accomplir sa fonc-
tion de balancier. Angôle avait, pour ainsi dire, de l'eau bénite
 
Annotationen