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Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 16.1864

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Nr. 4
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Blanc, Charles: Un peintre botaniste
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https://doi.org/10.11588/diglit.18739#0402

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UN PEINTRE BOTANISTE

ous avions vu à Londres, et nous venons de revoir à Paris, une col-
lection deux fois intéressante, deux fois précieuse, une collection de
peintures représentant les plus belles fleurs et les plus beaux fruits
des régions tropicales. Ces peintures ont été exécutées sur place
par un.artiste français, M. Gonaz, qui, portant sur le dos sa boîte à
couleurs, a traversé en tous sens le Brésil pendant douze années, a suivi 4,800 kilo-
mètres de côtes, s’est engagé dans les forêts vierges, a bravé tantôt la fatigue des
marches forcées, tantôt un soleil brûlant et une soif dévorante pour rapporter ce qu’il
y a de plus splendide, de plus pittoresque et aussi de plus utile à connaître dans la
flore américaine.

Avant de s’embarquer, M. Gonaz avait appris la peinture je ne sais où, et peu im-
porte; toujours est-il qu’il possédait son art à merveille; il en savait toutes les res-
sources, toutes les finesses ; il était rompu à toutes les adresses du pinceau ; il voyait
juste la forme et le ton. Mais arrivé en Amérique, il crut devoir prendre les leçons d’un
professeur émérite, qui lui enseigna les lois de la couleur beaucoup mieux que n’au-
raient fait Eugène Delacroix et M. Cbevreul : la nature. Il demeura quelque temps
ébloui par les tableaux toujours sublimes et toujours variés de ce coloriste incompa-
rable, de cet inépuisable décorateur ; et désespérant de les jamais reproduire dans leur
ensemble, il essaya de les reproduire en détail. Il s’attacha particulièrement aux fleurs,
aux fruits, aux animaux, et peu à peu il parvint à former une collection admirable de
richesse et d’éclat, de variété et de vérité, une collection qui a charmé les botanistes
anglais, qui ferait la joie du Muséum d’histoire naturelle ou du Jardin d’acclimatation,
et qui, pour nous autres, simples amateurs de peinture, est un spectacle sans prix, un
bouquet de couleurs dont la gamme change à tout instant, une jouissance dont le carac-
tère se renouvelle à chaque tableau.

Bien qu’il ait représenté de préférence les grands fruits du Brésil, M. Gonaz n’a pas
négligé les fleurs qui font l’ornement des bois et des jardins. C’est ainsi qu’il a peint
le cactus grandiflora, dont la belle corolle n’éclôt qu’entre dix heures et minuit, pour
se fermer un peu avant l’aurore, le frangipanier odorant, les bromélias, le convolvulus,
les lis sauvages aux feuilles larges et charnues, Yésylhrina, les feuilles écarlates qui
accompagnent l'inflorescence du poinseltia et des passiflores, aussi remarquables par
la délicatesse de leur structure que par l’opulence de leur coloris. Autant que possible,
M. Gonaz, en faisant le portrait d’un fruit, en a peint la feuille et la fleur, afin de pré-
senter une image complète du végétal. Par exemple, à côté d’une grappe de cocos
attachés à l’arbre, il a placé la panicule fleurie qui leur a donné naissance, s’échappant
d’une longue spathe, pour montrer dans tout leur éclat ses nombreux épis d’or... Et
ces variétés de substances et de nuances, elles ont été rendues avec un rare bonheur,
ici, par une peinture nourrie, empâtée, dont les grumeaux accrochent à propos la
 
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