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PRÉCIS DE L’HISTOIRE DU SANCTUAIRE
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n’ont aucun rapport direct aux fouilles de l’acropole.
Abstraction faite de l’emplacement des Boukopia,
et de la nécropole, elles n’ont du reste pas donné
de petits objets anciens.
Précis de l’histoire du sanctuaire.
Culte my- Les nécropoles étendues attestent
cénien. qu’à l’époque mycénienne l’île de
Rhodes a possédé une population nombreuse. Dès
cette période, le port de Lindos a dû être un point
important. Le nom même de l’endroit, conservé
inaltéré jusqu’à nos jours, est d’un type mycénien
bien connu (cf. Hermes 1913, p. 236). Quelques-
uns pensent, qu’il n’a désigné au commencement que
le rocher de l’acropole. La nature de cette acropole
permet de présumer que la population préhellénique,
si elle n’a pas habité elle-même ce rocher haut et
isolé, en a fait du moins une résidence divine. On
sait que les Mycéniens ont vénéré surtout une déesse
trônant sur les montagnes.
Les rares objets néolithiques et mycéniens mis au
jour dans nos fouilles (ci-après, nos 1—40) ne peuvent
être cités comme documents. Mais néanmoins on
peut regarder comme certaine l’origine préhellénique
du culte de la déesse lindienne. Citons 1 d’abord la
tradition antique, conservée dans la littérature et dans
la chronique du temple lindien. Cette tradition
n’attribue pas l’introduction du culte à Tlapolémos,
chef de la colonisation argienne, mais la fait remonter
à un temps beaucoup plus reculé. Aussi, la déesse
n’est-elle pas appelée simplement Athana, mais
constamment Athana Lindia: cette dénomination
est plus qu’un simple surnom; Dittenberger a eu
raison, probablement, de voir dans le surnom le nom
originel de la divinité. Le caractère général de la
déesse tel qu’il se reflète dans les ex-voto des temps
archaïques, diffère beaucoup des divinités grecques
et rappelle plutôt les déesses protectrices de la Nature
qui ont joué un rôle prédominant dans les religions
mycénienne et asiatiques. Mais avant tout il faut
alléguer certaines particularités du culte, étrangères
aux Hellènes. L’idole la plus ancienne n’était pas
une statue, mais un simple poteau de bois ou une
planche non façonnée 2 3. Or, la vénération de ce genre
de symboles cultuels a été suffisamment prouvée pour
l’époque mycénienne par les études de Sir Arthur
Evans 3. Le sanctuaire ne renfermait pas non plus
un temple: il était formé simplement d’un bosquet
1 Cf. pour ce qui va suivre les observations exposées dans
Blinkenberg, Image, p. 4 sq.
2 Cf. Blinkenberg, Image, p. 8.
3 Mycenaean tree and pillar cuit, JHSt. 1901, p. 99—204.
sacré1. Enfin, en ce qui concerne les rites, on n’employ-
ait pas les sacrifices par le feu : on offrait simplement
des fruits, des gâteaux, des boissons, etc. à la déesse
sans les brûler (άπυρα ιερά). Cette coutume
maintenue aux temps historiques s’écartait à ce point
de l’usage généralement admis en Grèce, que le récit
chez Pindare de la fondation du sanctuaire prend la
forme d’un αίτιον: les Héliades mettent à ériger
l’autel de la déesse une précipitation telle qu’ils
oublient d’apporter du feu en montant sur l’acro-
pole 2. Il faut rapprocher de ces άπυρα ιερά les
tables d’offrande découvertes dans plusieurs sanctu-
aires mycéniens, ainsi que la forme particulière de
vase d’offrande connue dès les temps prémycéniens
et à laquelle on attribue généralement le nom de κέρνος.
La première installation d’un sanc- installation du
tuaire hellénique sur l’acropole est culte hellénique,
due aux Doriens immigrés et remonte sans doute au
temps même de la colonisation de l’île. Pour des
raisons que nous pouvons tout au plus entrevoir,
ces nouveaux-venus ont assimilé l'ancienne déesse
de l’acropole (Lindia) à la déesse grecque Athéna.
D’une manière analogue la déesse suprême des Mycé-
niens a été assimilée dans diverses localités soit à
Héra, soit à Artémis, soit à Athéna, comme c’est le
cas justement pour ΓAcropole d’Athènes. Les Doriens
ont introduit dans le culte certaines coutumes hellé-
niques, par exemple celle d’offrir régulièrement des
dons votifs; cette coutume n’est pas attestée pour le
sanctuaire mycénien de Lindos, car il est fort douteux
s’il faut voir dans les rares tessons de vases mycéniens
trouvés sur l’acropole, des restes d’ex-voto. Certaine-
ment les Doriens ont conservé d’abord l’ancien sym-
bole de culte. S’il avait été aboli dès la colonisation
dorienne, il n’aurait pas laissé de souvenir. Cette
acception inaltérée de l’ancien culte est confirmée par
des exemples suffisants, tirés d’autres localités: à
Samos, par exemple, un ancien symbole de culte pré-
hellénique resta en usage dans le sanctuaire ionien
de Héra 3.
Ce qui constitue ]e point central Sacrifices de va-
. . ches et sacrifices
de la religion antique, ce sont les satls feu.
rites et la localité sacrée à laquelle ils s’attachent. En
identifiant Lindia avec leur Athana, les Doriens se
trouvaient vis à vis d’un problème un peu difficile:
la tradition voulait qu’on offrît des άπυρα ιερά à la
déesse; ΓAthana grecque, au contraire, demandait
1 Chronique du temple, p. 430.
2 Pind., 01. 7, 91 sq. Cf. Chronique du temple, p. 429;
Blinkenberg, Image, p. 7; 34 note 2; 57—59.
3 Kallimachos, fragm. 105:
Ου πω Σκέλμιος εργον έύΕοον, άλλ’ επί τεθμω
δηναίψ γλυφάνων άίοος ήσθα σανίς-
ώδε γάρ ίδρύοντο θεούς τότε’ καί γάρ Άθήνης
εν Λίνδω Δαναός λιτόν Ιθηκεν εδος,
PRÉCIS DE L’HISTOIRE DU SANCTUAIRE
10
n’ont aucun rapport direct aux fouilles de l’acropole.
Abstraction faite de l’emplacement des Boukopia,
et de la nécropole, elles n’ont du reste pas donné
de petits objets anciens.
Précis de l’histoire du sanctuaire.
Culte my- Les nécropoles étendues attestent
cénien. qu’à l’époque mycénienne l’île de
Rhodes a possédé une population nombreuse. Dès
cette période, le port de Lindos a dû être un point
important. Le nom même de l’endroit, conservé
inaltéré jusqu’à nos jours, est d’un type mycénien
bien connu (cf. Hermes 1913, p. 236). Quelques-
uns pensent, qu’il n’a désigné au commencement que
le rocher de l’acropole. La nature de cette acropole
permet de présumer que la population préhellénique,
si elle n’a pas habité elle-même ce rocher haut et
isolé, en a fait du moins une résidence divine. On
sait que les Mycéniens ont vénéré surtout une déesse
trônant sur les montagnes.
Les rares objets néolithiques et mycéniens mis au
jour dans nos fouilles (ci-après, nos 1—40) ne peuvent
être cités comme documents. Mais néanmoins on
peut regarder comme certaine l’origine préhellénique
du culte de la déesse lindienne. Citons 1 d’abord la
tradition antique, conservée dans la littérature et dans
la chronique du temple lindien. Cette tradition
n’attribue pas l’introduction du culte à Tlapolémos,
chef de la colonisation argienne, mais la fait remonter
à un temps beaucoup plus reculé. Aussi, la déesse
n’est-elle pas appelée simplement Athana, mais
constamment Athana Lindia: cette dénomination
est plus qu’un simple surnom; Dittenberger a eu
raison, probablement, de voir dans le surnom le nom
originel de la divinité. Le caractère général de la
déesse tel qu’il se reflète dans les ex-voto des temps
archaïques, diffère beaucoup des divinités grecques
et rappelle plutôt les déesses protectrices de la Nature
qui ont joué un rôle prédominant dans les religions
mycénienne et asiatiques. Mais avant tout il faut
alléguer certaines particularités du culte, étrangères
aux Hellènes. L’idole la plus ancienne n’était pas
une statue, mais un simple poteau de bois ou une
planche non façonnée 2 3. Or, la vénération de ce genre
de symboles cultuels a été suffisamment prouvée pour
l’époque mycénienne par les études de Sir Arthur
Evans 3. Le sanctuaire ne renfermait pas non plus
un temple: il était formé simplement d’un bosquet
1 Cf. pour ce qui va suivre les observations exposées dans
Blinkenberg, Image, p. 4 sq.
2 Cf. Blinkenberg, Image, p. 8.
3 Mycenaean tree and pillar cuit, JHSt. 1901, p. 99—204.
sacré1. Enfin, en ce qui concerne les rites, on n’employ-
ait pas les sacrifices par le feu : on offrait simplement
des fruits, des gâteaux, des boissons, etc. à la déesse
sans les brûler (άπυρα ιερά). Cette coutume
maintenue aux temps historiques s’écartait à ce point
de l’usage généralement admis en Grèce, que le récit
chez Pindare de la fondation du sanctuaire prend la
forme d’un αίτιον: les Héliades mettent à ériger
l’autel de la déesse une précipitation telle qu’ils
oublient d’apporter du feu en montant sur l’acro-
pole 2. Il faut rapprocher de ces άπυρα ιερά les
tables d’offrande découvertes dans plusieurs sanctu-
aires mycéniens, ainsi que la forme particulière de
vase d’offrande connue dès les temps prémycéniens
et à laquelle on attribue généralement le nom de κέρνος.
La première installation d’un sanc- installation du
tuaire hellénique sur l’acropole est culte hellénique,
due aux Doriens immigrés et remonte sans doute au
temps même de la colonisation de l’île. Pour des
raisons que nous pouvons tout au plus entrevoir,
ces nouveaux-venus ont assimilé l'ancienne déesse
de l’acropole (Lindia) à la déesse grecque Athéna.
D’une manière analogue la déesse suprême des Mycé-
niens a été assimilée dans diverses localités soit à
Héra, soit à Artémis, soit à Athéna, comme c’est le
cas justement pour ΓAcropole d’Athènes. Les Doriens
ont introduit dans le culte certaines coutumes hellé-
niques, par exemple celle d’offrir régulièrement des
dons votifs; cette coutume n’est pas attestée pour le
sanctuaire mycénien de Lindos, car il est fort douteux
s’il faut voir dans les rares tessons de vases mycéniens
trouvés sur l’acropole, des restes d’ex-voto. Certaine-
ment les Doriens ont conservé d’abord l’ancien sym-
bole de culte. S’il avait été aboli dès la colonisation
dorienne, il n’aurait pas laissé de souvenir. Cette
acception inaltérée de l’ancien culte est confirmée par
des exemples suffisants, tirés d’autres localités: à
Samos, par exemple, un ancien symbole de culte pré-
hellénique resta en usage dans le sanctuaire ionien
de Héra 3.
Ce qui constitue ]e point central Sacrifices de va-
. . ches et sacrifices
de la religion antique, ce sont les satls feu.
rites et la localité sacrée à laquelle ils s’attachent. En
identifiant Lindia avec leur Athana, les Doriens se
trouvaient vis à vis d’un problème un peu difficile:
la tradition voulait qu’on offrît des άπυρα ιερά à la
déesse; ΓAthana grecque, au contraire, demandait
1 Chronique du temple, p. 430.
2 Pind., 01. 7, 91 sq. Cf. Chronique du temple, p. 429;
Blinkenberg, Image, p. 7; 34 note 2; 57—59.
3 Kallimachos, fragm. 105:
Ου πω Σκέλμιος εργον έύΕοον, άλλ’ επί τεθμω
δηναίψ γλυφάνων άίοος ήσθα σανίς-
ώδε γάρ ίδρύοντο θεούς τότε’ καί γάρ Άθήνης
εν Λίνδω Δαναός λιτόν Ιθηκεν εδος,