odeur des bois mouillés, écouté avec autant de surprise le
murmure des paroles dans le silence des futaies, ni décou-
vert avec autant d'enchantement les taches gaies que font
les amoureux et les causeurs entre les sombres troncs et
sous l'ombre verte des feuilles. Le « décor d'opéra » n'est
qu'un prétexte propre à faire accepter celui qui vient l'abattre.
Au fond, il réagit contre tout ce qui fit, aux temps où il était
venu au monde, le succès des prédicateurs, le style des
artistes et la fortune des commis. L'aristocratie muselée qui
consentait, au dernier siècle, à discipliner sa rudesse pre-
mière pour donner à l'État cette façade droite et nue derrière
laquelle la politique et la pensée exprimaient leur désir d'en-
fermer l'âme de la France, avait mûri rapidement dans le
luxe, l'intrigue, les exercices de l'esprit. Se sentant mourir,
elle déchaînait ses instincts. Et du premier coup, à l'instant
où elle allait atteindre le sommet d'un épanouissement de
grâce et d'intelligence sur l'autre versant duquel sa décom-
position s'annonçait, elle trouvait pour la traduire un grand
artiste qui préférait finir à l'hôpital que de vivre avec elle,
mais la trouvait adorable de loin. La clairvoyance de La
Rochefoucauld, la douleur de Pascal, l'amertume de Molière
lui pardonnaient deux siècles d'hypocrisie et de bassesse en
faveur de cette seconde où un homme de leur race respirait
son extrême fleur. Et Montaigne reconnaissait l'aptitude de
la France à unir, dans la même expression artiste, le déses-
poir le plus intime à la plus haute élégance d'esprit.
II
Bien qu'Antoine Watteau ait donné à Pater ses derniers
jours, et un peu de sa vivacité nerveuse à Lancret, ce n'est
ni Pater ni Lancret qui continueront de marcher après qu'il
ne sera plus là, dans la direction même de cette aristocratie
de naissance et de culture qui semble obéir à quelque ordre
— 134 —
murmure des paroles dans le silence des futaies, ni décou-
vert avec autant d'enchantement les taches gaies que font
les amoureux et les causeurs entre les sombres troncs et
sous l'ombre verte des feuilles. Le « décor d'opéra » n'est
qu'un prétexte propre à faire accepter celui qui vient l'abattre.
Au fond, il réagit contre tout ce qui fit, aux temps où il était
venu au monde, le succès des prédicateurs, le style des
artistes et la fortune des commis. L'aristocratie muselée qui
consentait, au dernier siècle, à discipliner sa rudesse pre-
mière pour donner à l'État cette façade droite et nue derrière
laquelle la politique et la pensée exprimaient leur désir d'en-
fermer l'âme de la France, avait mûri rapidement dans le
luxe, l'intrigue, les exercices de l'esprit. Se sentant mourir,
elle déchaînait ses instincts. Et du premier coup, à l'instant
où elle allait atteindre le sommet d'un épanouissement de
grâce et d'intelligence sur l'autre versant duquel sa décom-
position s'annonçait, elle trouvait pour la traduire un grand
artiste qui préférait finir à l'hôpital que de vivre avec elle,
mais la trouvait adorable de loin. La clairvoyance de La
Rochefoucauld, la douleur de Pascal, l'amertume de Molière
lui pardonnaient deux siècles d'hypocrisie et de bassesse en
faveur de cette seconde où un homme de leur race respirait
son extrême fleur. Et Montaigne reconnaissait l'aptitude de
la France à unir, dans la même expression artiste, le déses-
poir le plus intime à la plus haute élégance d'esprit.
II
Bien qu'Antoine Watteau ait donné à Pater ses derniers
jours, et un peu de sa vivacité nerveuse à Lancret, ce n'est
ni Pater ni Lancret qui continueront de marcher après qu'il
ne sera plus là, dans la direction même de cette aristocratie
de naissance et de culture qui semble obéir à quelque ordre
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