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Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 13.1862

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Nr. 5
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Goncourt, Edmond de: Greuze, [1]
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https://doi.org/10.11588/diglit.17332#0422

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GAZETTE DES BEAUX-ARTS.

nait en jouant, ne s'amusant qu'à cela. Sa vocation déjà le pressait, et
commençait à le posséder. Mais le maître couvreur avait arrangé l'avenir
de son fils : il le destinait à l'architecture. De là, la défense de dessiner
faite à l'enfant qui se cachait, prenait sur ses nuits et son sommeil pour
échapper à son père, suivre son goût et son plaisir. Un dessin à la plume,
une copie d'une tète de saint Jacques qu'il offrait à son père le jour de sa
fête et que son père prenait pour une gravure, lui ouvrait enfin la car-
rière qu'il voulait : le couvreur se décidait à envoyer son fils à Lyon étu-
dier chez Gromdon, le père de la femme de Grétry. L'atelier de Groinclon
était une véritable manufacture de tableaux : Greuze n'y apprit guère
qu'à fabriquer un tableau par jour; au bout de quoi, à l'étroit dans ce
métier, sentant ses forces, impatient d'un plus grand théâtre, il vint à
Paris avec ses rêves, ses ambitions, un talent déjà personnel sans être
mûr, et son tableau du Père de famille expliquant la Bible 1.

A Paris, Greuze disparaît. On ne le trouve clans aucun atelier. Il tra-
vaille enveloppé de silence, d'obscurité, de solitude. Il peint de petits
tableaux pour vivre, sans bruit, sans nom, achevant de se former sans
maître, se dégageant de lui-même. Le public l'ignore : le tableau avec
lequel il est venu tenter fortune ne trouve point d'acquéreur. Seul, le
sculpteur Pigalle le devine, le soutient contre le découragement, lui pro-
met un bel avenir. Hors cet encouragement, il ne trouve que mauvais
vouloir, hostilité et jalousie autour de lui. A l'Académie où il vient des-
siner, on le relègue à la plus mauvaise place, sans égard pour son talent.
Les humiliations à la fin révoltent son orgueil déjà facile à s'emporter2.
Il court chez Sylvestre, ses œuvres à la main. L'ancien maître à dessiner
des enfants de France est étonné, charmé. Greuze obtient de lui la per-
mission de faire son portrait, un portrait qu'il exécute sous l'œil de ses

sept cent vingt-cinq, a été baptisé le même jour par moi, vicaire soussigné: le parrain
a été sieur Jean Bezaud, aussi maître couvreur, et la marraine demoiselle Antoinette
Auberut, femme d'Hugues Brûlé, boulauger en ladite paroisse; tous lesquels se sont
soussignés, excepté le dit parrain qui ne le sait de ce enquis. Signé : J.-'L, Greuze,
Antoinette Auberut, et Gornot, vicaire. » [Acte de naissance de Greu~e commu-
niqué par M. le maire de Tournas.)

\. Greuze, ou l'Accordée de village. Paris, 1813. Notice de madame de Valoi i.

2. Il existe un témoignage de la hauteur avec laquelle Greuze subissait à l'Acadé-
mie les leçons du professeur. Dans un portefeuille de dessins français du xviil* siècle,
provenant de l'évèque de Callinique et conservé à la bibliothèque de l'Arsenal, se
trouve une académie d'homme. Une note au bas de l'académie apprend que Natoire,
alors professeur, après l'avoir louée, lui fit remarquer qu'elle était estropiée. A quoi
Greuze répondit : « Monsieur, vous seriez heureux si vous pouviez en faire une
pareille. » {Archives de l'Art français, vol. VI.)
 
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