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GAZETTE DES BEAUX- A RTS.
années de recherches qu’il faudrait pour accomplir cette tâche? Puis ces
colliers de mandarins dont les grains de quartz rose et de corail sont
supportés par une passementerie d’or; cette enseigne, composée d’une
chauve-souris en cornaline, d’anneaux en jade impérial et a’une pende-
loque d’or et de perles, nous mèneraient à examiner si les Chinois n’ont
pas une véritable bijouterie; nous prouverions même, par une boîte d’or
incrustée de turquoise, que cet art n’a pas seulement paré les personnes,
qu’il a encore rehaussé l’éclat du culte, car cette boîte en forme de
nimbe, trouvée dans le palais d’été, servait de tabernacle à une figure
bouddhique en bronze peint que nous retrouvons plus loin et sur laquelle
on lit cette inscription : Tai-thsing Kien-long, Gin-tse nien, King tsao,
c’est-à-dire : Fait pour adorer, dans l’année Gin-tse de la période Kien-
long des Tai-thsing. Cette année Gin-tse, la 49e du cycle de soixante ans,
répond à 1792.
Encore une fois, tout cela dépasserait le but, puisque nous n’avons
pas à écrire une histoire de l’art, mais seulement à donner l’idée som-
maire du cabinet d’un curieux. On remarquera toutefois combien étaient
justes les remarques consignées au début de cette notice. Le salon de
M. le duc de Morny renferme une collection sérieuse, aussi bonne à étu-
dier pour le philosophe et le savant que pour l’homme du monde. Les
yeux y trouvent à admirer, l’esprit à réfléchir.
Heureux de pouvoir unir nos remercîments à ceux que M. Léon
Lagrange adressait à M. de Morny pour des encouragements accordés aux
peintres de l’école française, nous compléterons la phrase de notre colla-
borateur en disant : lorsqu’un amateur qui occupe une des plus hautes
positions officielles de la France ne se contente pas de posséder une riche
galerie de tableaux, lorsqu’il accumule dans ses salons une réunion d’ob-
jets d’art peu connus, il comble intelligemment les lacunes de nos col-
lections nationales, et donne aux aspirations de son temps une direction
utile. L’enseignement professionnel ressort surtout de l’étude des œuvres
de tous les temps et de tous les peuples. Montrer à nos artistes des mer-
veilles ignorées, presque introuvables, c’est ouvrir de nouvelles sources
à leur génie, c’est frapper le caillou sur un angle encore vierge pour en
faire jaillir de plus vives étincelles.
ALBERT JACQUEMART.
GAZETTE DES BEAUX- A RTS.
années de recherches qu’il faudrait pour accomplir cette tâche? Puis ces
colliers de mandarins dont les grains de quartz rose et de corail sont
supportés par une passementerie d’or; cette enseigne, composée d’une
chauve-souris en cornaline, d’anneaux en jade impérial et a’une pende-
loque d’or et de perles, nous mèneraient à examiner si les Chinois n’ont
pas une véritable bijouterie; nous prouverions même, par une boîte d’or
incrustée de turquoise, que cet art n’a pas seulement paré les personnes,
qu’il a encore rehaussé l’éclat du culte, car cette boîte en forme de
nimbe, trouvée dans le palais d’été, servait de tabernacle à une figure
bouddhique en bronze peint que nous retrouvons plus loin et sur laquelle
on lit cette inscription : Tai-thsing Kien-long, Gin-tse nien, King tsao,
c’est-à-dire : Fait pour adorer, dans l’année Gin-tse de la période Kien-
long des Tai-thsing. Cette année Gin-tse, la 49e du cycle de soixante ans,
répond à 1792.
Encore une fois, tout cela dépasserait le but, puisque nous n’avons
pas à écrire une histoire de l’art, mais seulement à donner l’idée som-
maire du cabinet d’un curieux. On remarquera toutefois combien étaient
justes les remarques consignées au début de cette notice. Le salon de
M. le duc de Morny renferme une collection sérieuse, aussi bonne à étu-
dier pour le philosophe et le savant que pour l’homme du monde. Les
yeux y trouvent à admirer, l’esprit à réfléchir.
Heureux de pouvoir unir nos remercîments à ceux que M. Léon
Lagrange adressait à M. de Morny pour des encouragements accordés aux
peintres de l’école française, nous compléterons la phrase de notre colla-
borateur en disant : lorsqu’un amateur qui occupe une des plus hautes
positions officielles de la France ne se contente pas de posséder une riche
galerie de tableaux, lorsqu’il accumule dans ses salons une réunion d’ob-
jets d’art peu connus, il comble intelligemment les lacunes de nos col-
lections nationales, et donne aux aspirations de son temps une direction
utile. L’enseignement professionnel ressort surtout de l’étude des œuvres
de tous les temps et de tous les peuples. Montrer à nos artistes des mer-
veilles ignorées, presque introuvables, c’est ouvrir de nouvelles sources
à leur génie, c’est frapper le caillou sur un angle encore vierge pour en
faire jaillir de plus vives étincelles.
ALBERT JACQUEMART.