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Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 16.1864

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Nr. 2
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Blanc, Charles: Eugène Delacroix, 2
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https://doi.org/10.11588/diglit.18739#0136

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EUGÈNE DELACROIX.

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se fondre au soleil des grands maîtres. Réflexion faite, il ne partit point.

Un trait de son caractère, qu’il ne faut point oublier, c’est le désinté-
ressement. Dans un temps où des peintres qui était bien loin de le valoir
mettaient des prix fabuleux à leurs moindres toiles, Eugène Delacroix
demandait avec modestie trois ou quatre mille francs d’un tableau qui
avait eu l’honneur d’un brillant salon. Le croirait-on? à force de travail,
après quarante ans d’une vie retirée, fermée aux dissipations et toujours
remplie, Delacroix n’a laissé que dix mille francs de rente. Sur la fin, les
marchands avertis par la médaille d’honneur qu’il avait obtenue à l’Expo-
sition universelle de 1855, vinrent trouver le peintre et lui offrirent des
sommes relativement considérables pour des tableaux qui n’avaient pas
eu d’acheteur depuis 1830. A ce sujet, lors de notre dernière rencontre au
Palais-Royal, Delacroix nous disait : « il faut prendre garde aux mar-
chands. Ils viennent vous tenter, les scélérats; ils ont une langue dorée
et plein leur portefeuille de billets de banque, et ils seraient capables de
vous inspirer le goût de l’argent. Défendons-nous contre de pareilles
séductions. J’y ai cédé quelquefois, moi qui vous parle...» Et il nous
racontait comment il avait vendu dix mille francs le Marino Faliero,
revendu le lendemain à M. IsaacPéreire. Delacroix ne voyait dans l’argent
qu’un moyen de conserver son indépendance. II le gardait précieusement
mais comme un gage de dignité. On peut dire sans paradoxe qu’il fut
ménager par désintéressement, et parce qu’il était fier.

La très-petite fortune qu’il devait laisser en mourant, Delacroix, resté
célibataire, en fit le partage à ses amis et à ses proches, par un testa-
ment dicté le 3 août 1863, dix jours avant sa mort. Il n’oublia ni ses
neveux, MM. Yerninac, ni son cousin Riesener, ni son élève Pierre
Andrieu, qui avait été pour lui un collaborateur si intelligent et si assidu,
ni sa vieille gouvernante aux soins de laquelle il devait, sans nul doute,
le prolongement de sa vie, ni ses anciens camarades cl’atelier, tels que
Chenavard et Paul Huet. 11 instituait son légataire universel un ami
d’enfance, M. Piron, sous-directeur général à l’administration des postes.
Il donnait à Paul Huet tout son œuvre de Gharlet; à Chenavard une
superbe copie, exécutée par Géricault, des Vices foudroyés de Paul Véro-
nèse, plus deux admirables pastels faits par Chenavard lui-même,
d’après le Corrège; à tous les deux il laissait un lot de ses esquisses
d’atelier peintes chez Guérin. Il priait MM. Pérignon, Dauzats, Carrier,
le baron Schwiter, Andrieu, Dutilleux, et notre confrère de la Gazelle,
Pli. Burty, de vouloir bien s’occuper du classement et de la vente de ses
ouvrages, dont le catalogue devait être, dans sa pensée, dressé et rédigé
par M. Burty, ainsi que ces messieurs font d’ailleurs compris et décidé.
 
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