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Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 16.1864

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Nr. 2
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Goncourt, Edmond de; Goncourt, Jules de: Chardin, [2]
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166

GAZETTE DES BEAUX-ARTS.

tableau et le travaillait d’après nature, depuis le crayonnage de l’esquisse
jusqu’au dernier coup de pinceau. « Aussi avait-il toujours à la bouche,
dit Mariette, que le travail lui coûtait infiniment. »

La conscience et la science, —• voilà tous les procédés, tout le secret
et tout le talent de Chardin. Sa technique admirable s’appuie sur les plus
profondes connaissances théoriques, résultat de longues et solitaires médi-
tations. Sa science de peindre vient de cette science de voir à laquelle
Diderot ira puiser le meilleur et le plus sûr de son éducation artistique.
Elle vient de ce sens prodigieux qui lui fait, au premier coup d’œil qu’il
jette sur un tableau, indiquer d’un mot l’harmonie qui manque à la toile,
et ce qu’il faudrait pour y mettre l’accord qui n’y est pas. 11 y a en un
mot un grand théoricien sous le grand exécutant. De là, sa manière de
peindre unique. Que lui fait à lui le mauvais guide-âne des peintres colo-
ristes du temps, la théorie de l’arc-en-ciel, rangeant à leur place et
morcelant dans une toile les couleurs convenues de la lumière? Chez lui,
point d’arrangement ni de convention : il n’admet pas le préjugé des cou-
leurs amies ou ennemies. Il ose, comme la nature même, les couleurs les
plus contraires. Et cela sans les mêler, sans les fondre : il les pose à côté
l’une de l’autre, il les oppose dans leur franchise, « de façon que son
ouvrage ressemble un peu à de la mosaïque ou pièces de rapport, comme,
la tapisserie faite à l’aiguille qu’on appelle point carré1. » Mais s’il ne
mêle passes couleurs, il les lie, les assemble, les corrige, les caresse
avec un travail systématique de reflets, qui, tout en laissant la franchise

deurs et des gras qui semblent faits avec le pouce passant sur le crayon rouge et l'écra-
sant. Un second est l’idée d’un portrait de vieille femme tenant un chat, ébauche du
portrait peint, crayonnée résolument, sabrée comme en courant. Un troisième, à la san-
guine sur papier brun, 'représente, dans des contours où flottent les personnages, et
dans un dessin qui a une certaine parenté avec Hogarth, un homme qui fait voir la lan-
terne magique à des gamins, le montreur de curiosités, comme disait le xvnr siècle.
Celui-ci a une assez singulière et curieuse authentification : c’est sur un coin, de l’écri-
ture de Chardin, une invitation à manger le lendemain un chapon au Plat d’étain.
L’étude de ces trois dessins, possédés par nous, ne laisse aucun doute sur la fausseté
de tous les dessins baptisés Chardin dans les collections, à l’exception d’une petite tête
d’homme pastellée, possédée par M. His de Lasalle, où le faire du dessinateur est
pourtant un peu plus fini que d’ordinaire. Il faut regarder également comme faux les
dessins de Chardin passés en vente publique depuis dix ans. Celui qu’on lui a le plus
vraisemblablement attribué, — un dessin pastellé dans une tonalité qui le rappelait, —
et qui s’est vendu 240 francs à la vente Norblin (1860), était tout simplement l’œuvre
d’un très-petit maître assez habile, auquel plus d’un amateur s’est laissé prendre :
Aubert.

i. Mémoires et journal de Jean-Georges Wille. Azotes de Bachaumont. Appen-
dice, vol. IL
 
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