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Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 16.1864

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Blanc, Charles: Les peintures de M. Gigoux dans l'église Saint-Gervais, à Paris
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https://doi.org/10.11588/diglit.18739#0180

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LES PEINTURES DE M. GIGOUX.

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la réalité et l’idéal, la nature que l’œil voit et la nature que l’esprit a

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conçue, toute l’échelle des êtres depuis les fleurs de la terre jusqu’aux
habitants du ciel.

La Fuite en Egypte est un effet de matin ; le coloris en est frais et
blond. Les proscrits sont arrivés à une oasis et ils vont passer à gué un
petit ruisseau qui rafraîchit la vue. Ils sont précédés et suivis par trois
anges dont l’un montre du doigt la route, l’autre écarte les roseaux par
un mouvement de gracieux respect; le troisième jette un regard vigilant
dans le lointain. La Vierge, rassurée, serre son enfant dans ses bras et
le regarde en ébauchant un sourire. Saint Joseph, un homme du peuple,
'conduit l’âne par la bride, un âne grisonnant, au pied cauteleux, et dont
le pelage est rendu à merveille sans que le spectateur s’en aperçoive,
car toute l’attention est concentrée sur les figures, qui sont vivantes, et sur
les draperies, dont chaque pli est écrit nettement, mais formulé avec une
ampleur qui fait rentrer tous les plans particuliers clans les grands plans.
Aucune des six figures, excepté celle qui est un peu éloignée dans le
tableau, n’est sacrifiée; elles forment toutes ensemble, malgré la diffé-
rence des valeurs, une masse lumineuse qui n’est rompue par aucune
ombre profonde, par aucun trou, et qui éclaire ainsi et colore la muraille
sans la percer. Quoique le paysage, le ciel, l’eau courante du ruisseau,
les accidents de terrain soient traités avec la souplesse, la fermeté, la
certitude qu’on devait attendre d’un praticien aussi habite que M. Gigoux,
c’est aux figures de la Vierge et des anges qu’est réservé tout l’intérêt de
la composition. Elles sont gracieuses sans maniérisme, et naturelles sans
vûlgarité. Le vieux charpentier qui, instinctivement sonde beau avec son
bâton, est caractérisé comme doit l’être un artisan respectable et respec-
tueux; il est revêtu, ainsi que la Vierge, des couleurs traditionnelles.
L’artiste ne s’est permis quelques nuances arbitraires que pour les tuni-
ques des anges, là où il en avait absolument besoin pour les mettre cha-
cun à leur plan. Les tons fins qui sont dans les ailes, dans le paysage et
le ciel, laissent dominer les tons francs, le bleu et le jaune des draperies
principales; mais ni la couleur ne l’emporte sur le dessin, ni le dessin
sur la couleur, ni l’entente de l’ordonnance sur l’excellence de la touche ;
c’est un ensemble de qualités éminentes, qui, portées au même degré de
force et de savoir, se font équilibre et dont l’harmonieux mélange con-
vient on ne peut mieux à la décoration monumentale. Sans être austère
jusqu’à la monochromie, la peinture des monuments, surtout celle des
églises, est toujours plus digne, plus imposante et plus religieuse, quand
elle est tranquille et qu’elle ne dorme aucune secousse à l’esprit ni au
regard. Sans doute, il n’en saurait être ainsi, lorsqu’un peintre comme

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