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Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 16.1864

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Nr. 4
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Jacquemart, Albert: La faïence: les faïenciers et les émailleurs de Nevers, par M. du Broc de Ségange
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https://doi.org/10.11588/diglit.18739#0396

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GAZETTE DES BEAUX-ARTS.

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faïenciers et les émailleurs de Nevers. Quelle tâche, en effet, que de parler de ce
centre, l’un des premiers, en France, où la terre émaillée ait été soumise aux délica-
tesses de la forme, aux richesses ornementales de la peinture de style! Ne fallait-il pas
réduire à néant les fables qui ne manquent point de s’accumuler autour des choses in-
téressantes, fables accréditées par la tradition et recueillies dans des notices d’autant
plus dangereuses qu’elles avaient en quelque sorte acquis un droit de notoriété! On lit
partout que Louis de Gonzague, lors de la prise de possession de son duché de Nevers,
se fit suivre par bon nombre d’Italiens; l’un d’eux, en se promenant aux environs de la
ville, aurait remarqué une terre de la nature de celle dont on se sert pour fabriquer
la majolique ; après d’heureux essais, il aurait fait construire lefour d’où sortit la première
faïence française. Voilà la fable; voici la vérité : Habitué aux élégances de la vie ita-
lienne, le prince dut se sentir quelque peu dépaysé dans son domaine français; ne trou-
vant pas autour de lui les moyens de satisfaire à ses tendances luxueuses, il appela, soit
de Mantoue, soit des duchés voisins, les artistes dont il éprouvait le besoin d’entourer
sa personne; ce furent les maîtres à l’école desquels se formèrent les artisans
nivernais.

La raison dit assez que les choses devaient se passer ainsi; mais on ne base pas
l’histoire sur des raisonnements, on l’écrit avec des actes. M. du Broc de Ségange
nous en fournit un des plus curieux lorsqu’il mentionne la signature de Scipion Gam-
bin, pothier, intervenant, le 28 avril 1592, à Nevers, comme parrain du fils de Jehan
Malicieux et de Perrette Galopin. L’auteur fait ressortir l’intérêt de ce nom de Gambin
qu’on retrouve à Lyon, favorisé d'un privilège spécial de Henri III1 pour la fabrication de
la faïence façon de Venise. Certes, les deux Gambin devaient être parents, nés tous deux
àFaenza, ce que confirme Parmentier dans ses Archives cle la ville de Nevers, et leurs
ouvrages ne pouvaient manquer du caractère spécial aux terres émaillées de cette cé-
lèbre fabrique.

Ici pourtant M. de Ségange est pris d’une sorte d’hésitation dont nous sommes loin
de lui faire un reproche; c'est au contraire l’indice de la consciencieuse prudence avec
laquelle il a procédé dans tout son travail ; le savant auteur se demande si Gambin doit
être considéré comme l’importateur de la faïence à Nevers. « Tout indique, dit-il, que
le premier il a dù faire des essais dans cette capitale du duché; mais, en l’absence d’au-
tres documents, nous ne pensons pas qu’on puisse lui attribuer l’initiative de la grande
fabrication qui était déjà célèbre à la fin du règne de Henri IV. L’ordonnance de ce
roi, citée par Brongniart, relative à la fabrication de Nevers, est datée de 1603; et à
cette époque il n’était plus question de Scipion Gambin, mais bien d’une famille nom-
breuse qui devait fournir à Nevers trois générations d’excellents faïenciers (les
Conrade). »

Ceci est incontestablement vrai ; il ne faut pas chercher parmi les produits caracté-
risés de la cité ducale les premiers essais des Italiens. Bien qu’originaires d’Albissola,
les Conrade sont Français. Subissant l’influence du milieu dans lequel ils vivaient, ils
ont été, nous le répétons, absorbés par l'idée nationale, et à partir de leurs commence-
ments la fabrication n’a plus offert, jusqu’à sa décadence, que la différence imprimée
par des mains plus ou moins habiles, ou bien encore par les modes du moment. Toute-
fois, ces établissements commerciaux, destinés à satisfaire aux commandes de tous, ont
certainement été précédés d’expérimentations plus ou moins prolongées et de travaux

1. Voir : Alfred Darcel, Notice des faïences peintes du Musée de la Renaissance.
 
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