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Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 16.1864

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Nr. 6
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Hugo, Victor: Les rues et maisons du vieux Blois
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https://doi.org/10.11588/diglit.18739#0523

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LES RUES ET MAISONS DU VIEUX BLOIS.

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d’un plan incliné, &, à cela près que l’Océan eft plus large
que la Loire & n’a pas de pont qui mène à l’autre rive, prefque
pareille à cette ville de Guernefey que j’habite aujourd’hui. Le
foleil fe levait fur Blois.

Un quart d’heure après, j’étais rue de Foix, n° 73. Je frap-
pais à une petite porte donnant fur un jardin : un homme qui
travaillait au jardin venait m’ouvrir. C’était mon père.

Le foir, mon père me mena fur le monticule qui dominait fa
maifon & oit ell; l’arbre de Gafton; je revis d’en haut la ville
que le matin j’avais vue d’en bas ; l’afpect, autre, était, quoique
levère, plus charmant encore. La ville, le matin, m’avait femblé
avoir le gracieux défordre & prefque la furprife du réveil ; le
foir avait calmé les lignes; bien qu’il fit encore jour, le foleil
venant à peine de fe coucher, il y avait un commencement de
mélancolie ; l’eftompe du crépufcule émouftait les pointes des
toits, de rares fcintillements de chandelles remplaçaient
l’éblouiftante diffufton de l’aurore fur les vitres ; les profils des
chofes fubiftaient la transformation myftérieufe du foir, les
roideurs perdaient, les courbes gagnaient ■ il y avait plus de
coudes & moins d’angles. Je regardais avec émotion, prefque
attendri par cette nature. Le ciel avait un vague fouftle d’été.
La ville m’apparaiftait non plus comme le matin, gaie & ravif-
fante, pêle-mêle, mais harmonieufe ; elle était coupée en com-
partiments d’une belle mafte, fe faifant équilibre ; les plans
reculaient, les étages d’édifices fe fuperpofaient avec à-propos
& tranquillité. La cathédrale, l’évêché, l’églife noire de Saint-
Nicolas, le château, autant citadelle que palais, les ravins mêlés
à la ville, les montées & les defcentes où les maifons tantôt
grimpent, tantôt dégringolent, le pont avec fon obélifque, la
belle Loire ferpentante, les bandes rectilignes de peupliers, à
l’extrême horizon Chambord indiftinct avec fa futaie de tou-
relles, les forêts où s’enfonce l’antique voie dite « ponts romains »
marquant l’ancien lit de la Loire, tout cet enfemble était grand
& doux. Et puis mon père aimait cette ville.

Vous me la rendez aujourd’hui.

Grâce à vous, je fuis à Blois. Vos dix-huit eaux-fortes mon-
trent la ville intime, non la ville des palais & des églifes, mais

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XVI.
 
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