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Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 16.1864

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Nr. 6
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Blanc, Charles: La reine de la paix par M. le baron Marochetti
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https://doi.org/10.11588/diglit.18739#0595

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LA REINE UE LA PAIX.

567

AJ. Camille Silvy. L’œuvre du sculpteur est placée dans une pièce qui semble construite
tout exprès pour la recevoir, et que décorent, .pour plus d’harmonie, des sculptures
peintes dans le style de la reine Élisabeth et des tapisseries de la même époque qui en
forment le cadre. Une chose curieuse, c’est que ces tapisseries, dont le temps a adouci
les vives couleurs, sont historiées de petits tableaux symboliques entourés de fleurs
de lis et brodés; trois devises, écrites en français, expliquent ces tableaux naïfs : l’une
sa force mêlée de douceur, l'autre sa drudente simplicité, la troisième SON
amour communicatif, de façon que les vieux tableaux semblent avoir été brodés à
l’intention de la reine qui est représentée dans la statue de M. Alarochetti, et faire
allusion à ses qualités. Mystérieusement éclairée par des vitraux de la plus intense
coloration, la chambre qui renferme cet ouvrage remarquable, que l’on peut dire
majestueux en petit, est comme une chapelle qui serait dédiée par le loyalisme anglais
à une reine à la fois vivante et allégorique. Les patriciens romains avaient dans leur
palais un lararium, où les génies tutélaires de leur maison étaient vénérés, sinon
adorés. Au lieu de les placer au foyer domestique, selon le commun usage, ils leur
élevaient une châsse dans un petit appartement séparé et y brillaient de l’encens. C’est
un réduit de ce genre que AI. Silvy a ménagé et décoré avec un goût exquis pour y
exposer la statuette polychrome du célèbre sculpteur. II est clair qu’au milieu d’une
chambre qui ressemble à un sanctuaire, une sculpture tout unie, toute blanche, ferait
tache et ne s’harmoniserait point avec des boiseries dorées, les riches broderies de la
tenture et les splendides couleurs du vitrail. U y a donc, peut-être, une exception à
faire, en matière de polychromie, pour les figures de petite dimension cpii sont destinées
à la décoration intérieure d’une enceinte privée, qui touchent aux conditions de l’idole,
qui sont l’antipode du monument public et qui, par conséquent, peuvent porter les
couleurs de celui qui les possède, répondre à ses idées personnelles, se conformer à ses
sentiments intimes.

Ainsi, loin de changer nos idées touchant la sculpture polychrome, le précieux et
bel ouvrage de AI. Alarochetti nous confirme dans notre opinion. L’exception vient ici,
comme toujours, à l’appui de la règle. En Angleterre, où l’archéologie a pris beaucoup
d’empire et où le goût se forme par l’érudition, la polychromie s’est fait accepter sans
difficulté aucune, et il est à craindre quelle n’y devienne immodérée et intolérable.
Une chose à remarquer, au surplus, c’est que sa prédilection pour la polychromie,
AI. le baron Alarochetti l’a puisée en Angleterre. Il était loin d’y penser lorsque, il y a
vingt-cinq ans, il exposa dans la cour du Louvre sa statue équestre d’Emmanuel Phi-
libert, exécutée pour le roi du Piémont. Cette situation si belle d’allure, de mouvement
et de vie, était conçue, il est vrai, dans un sentiment tout moderne; mais on n’y voyait
aucun de ces ornements étrangers, aucune de ces dorures qui sont à la sculpture en
bronze ce qu’est la polychromie à la statuaire de marbre ou à la sculpture chrysélé-
phantine. Est-ce par concession aux idées anglaises que AI. Alarochetti s’est laissé
convertir au système des statues peintes? En France, où le goût n’est pas seulement la
résultante des faits accumulés, mais le raffinement du bon sens et l’extrême délicatesse
du tact, la polychromie n’aura pas, nous l’espérons, les mêmes chances. Elle ne sera
tolérée que dans ces œuvres exceptionnelles qui n’exigent ni une gravité imposante, ni
l’unité monumentale, et qui, inventées par le caprice individuel et uniquement pour le
satisfaire, échappent par cela même à la rigueur des lois générales, lesquelles n’en
restent pas moins inviolables.

CHARLES RL ANC.
 
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