Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art (2.Pér. 1.1869)

LES

COLLECTIONNEURS DE L’ANCIENNE FRANCE

NOTES D’UN AMATEUR.

Vous rappelez-vous, ami lec-
teur, dans les Français priais
par eux-mêmes, un bonhomme
à lunettes, l’air assez misérable,
l’habit râpé, les chaussures à
l’avenant, les poches et les mains
pleines de vieilles faïences cas-
sées ? C’est, à ce qu’il paraît, le
portrait du Collectionneur.

L’article qui accompagne
cette gravure n’est pas moins
singulier; en voici la conclusion :
« Je voudrais être député un seul
jour pour proposer à mes collègues une loi ainsi conçue : Considérant
que, depuis quelques années surtout, la France monumentale et artis-
tique est de tous côtés, et pour le bon plaisir des collectionneurs et de
leurs collections, dépecée par morceaux; article unique : Tout collec-
tionneur est soumis à perpétuité à la surveillance de la haute police. »
En France nous sommes ainsi faits, heureuses gens à l’oubli rapide,
à l’admiration facile ! C’est en 1549 que, pour la première fois, Jehan
Rouvet imagina de faire descendre par la Seine des trains de bois flotté
au grand étonnement des Parisiens, et depuis trois siècles le Parisien
continue à s’en étonner tous les jours. Est-il donc surprenant qu’en 1840
il ait pris la curiosité pour une maladie du siècle et le collectionneur
pour un phénomène ?

Aujourd’hui encore, franchement, pour combien de gens la curiosité