GÉNIE
DE RUBENS’
n genre de peinture où l’on n’a pas
encore rendu à Pierre-Paul la justice
qu’il mérite, ce sont les animaux. Il
a su le premier, dans les Pays-Bas,
leur donner la vie, la force, le mou-
vement et l’expression dramatique.
Snyders, son élève, ayant débuté par
des natures mortes, eut beaucoup
de peine à s’approprier la fougue de
Rubens. Il avait trente-huit ans déjà
qu’il peignait encore les bêtes sau-
vages d’une manière languissante,
au lieu de les mettre violemment aux
prises entre elles et avec les chasseurs. Aussi Rubens, qui avait la con-
science de sa supériorité, trouvait-il offensant qu’on le jugeât son égal.
Tobie Matthew, peintre amateur et poète, fds d’un archevêque d’York,
s’exprime ainsi dans une lettre qu’il écrivait de Louvain à sir Dudley
Carleton, ambassadeur d’Angleterre à La Haye, le 25 février 1617 :
« J’ai vu enfin la réponse de Rubens à M. Gage, dont voici exacte-
ment la teneur : il ne cédera pas le petit tableau de chasse pour
moins que le collier de Votre Seigneurie (collier de diamants dont
l’internonce voulait se défaire). Quant à la collaboration supposée de
Snyders, cet autre peintre célèbre, Votre Seigneurie et moi nous avons
été induits en erreur, car je pensais comme vous qu’il y avait travaillé,
chose complètement fausse, je vous assure. Dans ce morceau toutes
les bêtes sont vivantes, occupées à fuir ou à se défendre, actions où
Snyders demeure infiniment au-dessous de son maître, et Rubens dit
qu’il se formaliserait, si on le comparait avec lui à cet égard. Le talent de
Snyders consiste à représenter des animaux immobiles et surtout des 1
1. Voir lo précédent numéro.
DE RUBENS’
n genre de peinture où l’on n’a pas
encore rendu à Pierre-Paul la justice
qu’il mérite, ce sont les animaux. Il
a su le premier, dans les Pays-Bas,
leur donner la vie, la force, le mou-
vement et l’expression dramatique.
Snyders, son élève, ayant débuté par
des natures mortes, eut beaucoup
de peine à s’approprier la fougue de
Rubens. Il avait trente-huit ans déjà
qu’il peignait encore les bêtes sau-
vages d’une manière languissante,
au lieu de les mettre violemment aux
prises entre elles et avec les chasseurs. Aussi Rubens, qui avait la con-
science de sa supériorité, trouvait-il offensant qu’on le jugeât son égal.
Tobie Matthew, peintre amateur et poète, fds d’un archevêque d’York,
s’exprime ainsi dans une lettre qu’il écrivait de Louvain à sir Dudley
Carleton, ambassadeur d’Angleterre à La Haye, le 25 février 1617 :
« J’ai vu enfin la réponse de Rubens à M. Gage, dont voici exacte-
ment la teneur : il ne cédera pas le petit tableau de chasse pour
moins que le collier de Votre Seigneurie (collier de diamants dont
l’internonce voulait se défaire). Quant à la collaboration supposée de
Snyders, cet autre peintre célèbre, Votre Seigneurie et moi nous avons
été induits en erreur, car je pensais comme vous qu’il y avait travaillé,
chose complètement fausse, je vous assure. Dans ce morceau toutes
les bêtes sont vivantes, occupées à fuir ou à se défendre, actions où
Snyders demeure infiniment au-dessous de son maître, et Rubens dit
qu’il se formaliserait, si on le comparait avec lui à cet égard. Le talent de
Snyders consiste à représenter des animaux immobiles et surtout des 1
1. Voir lo précédent numéro.