526
GAZETTE DES BEAUX-ARTS.
possible, car cet homme a tenu tant de place clans notre xvie siècle, il y
a exercé par sa surintendance des travaux de François Ier et d’Henri II
une influence si considérable, —bien autrement considérable que celle de
Maître Roux son prédécesseur, en ce sens surtout que, mieux d’accord
avec notre tempérament, il y développa cette qualité essentiellement fran-
çaise, l’élégance —, que celui qui nous réunirait en une belle publication
les innombrables compositions de ce maître inépuisable, les inventions
de toute sorte qui servirent de cartons et de modèles aux peintres et aux
sculpteurs qu’il dirigeait à la cour de France, et qui ne furent égalées
que par la fécondité de Lebrun, nous ferait revivre, dans son expression
la plus imaginative, la plus variée et la plus haute, notre renaissance
française tout entière. Le Primatice est resté et restera à jamais la
source intarissable, l’inspirateur et le modèle sans égal de la peinture
décorative en notre pays. Gela s’est bien vu durant tout le xvie siècle
jusqu’aux derniers peintres de Henri IV; — cela s’est vu par Simon Vouet
lui-même et ses disciples, qui, bien que revenant d’Italie, observaient
plus fidèlement le goût des grands ouvrages de Fontainebleau que la
manière, alors en vogue, des illustres décorateurs italiens, qu’ils venaient
d’étudier et d’admirer à Rome; — cela s’est vu particulièrement dans
notre siècle, où dès qu’il s’est agi de reprendre l’ancienne coutume de
décorer des galeries et de peindre des plafonds et des voussures, les
deux grands artistes qui, dans cette application nouvelle de leur talent,
ont développé leur vraie maîtrise, Delacroix et Baudry, se sont naturel-
lement reportés tout droit vers la tradition du Primatice et ont, le pre-
mier dans les salles du palais Bourbon et du Luxembourg, le second
pour son plafond de l’hôtel Païva et son immense entreprise de l’Opéra,
emprunté sans honte et sans détour à leur ancêtre, comme on emprunte
en famille, les formes et les mouvements de ses peintures de la galerie
de François 1er et de la galerie de Henri IL
C’est Mgr le duc d’Aumale qui a prêté à notre exposition les Plaisirs
de l'été, l’un des pendentifs de la galerie de Henri II à Fontainebleau. Le
dessin avait passé par les collections Mariette, Lagoy, Th. Lawrence.
M. Armand tenait de M. de la Salle l’autre dessin, Y Automne, repré-
senté par un jeune homme nu, chargé d’une manne de raisins. Quant au
Niccolo delf Abbate, le célèbre praticien du Primatice et si gracieux
inventeur lui-même, M. Armand a fourni de lui deux cadres charmants :
dans l’un, son Parnasse, gravé par Delaulne; dans l’autre, les huit
Anges portant les instruments de la Passion, et que l’on connaît au
Louvre par les émaux de Léonard Limousin. Tous les amateurs de ce
temps-ci se souviennent d’avoir vu ces huit dessins, si précieux pour
GAZETTE DES BEAUX-ARTS.
possible, car cet homme a tenu tant de place clans notre xvie siècle, il y
a exercé par sa surintendance des travaux de François Ier et d’Henri II
une influence si considérable, —bien autrement considérable que celle de
Maître Roux son prédécesseur, en ce sens surtout que, mieux d’accord
avec notre tempérament, il y développa cette qualité essentiellement fran-
çaise, l’élégance —, que celui qui nous réunirait en une belle publication
les innombrables compositions de ce maître inépuisable, les inventions
de toute sorte qui servirent de cartons et de modèles aux peintres et aux
sculpteurs qu’il dirigeait à la cour de France, et qui ne furent égalées
que par la fécondité de Lebrun, nous ferait revivre, dans son expression
la plus imaginative, la plus variée et la plus haute, notre renaissance
française tout entière. Le Primatice est resté et restera à jamais la
source intarissable, l’inspirateur et le modèle sans égal de la peinture
décorative en notre pays. Gela s’est bien vu durant tout le xvie siècle
jusqu’aux derniers peintres de Henri IV; — cela s’est vu par Simon Vouet
lui-même et ses disciples, qui, bien que revenant d’Italie, observaient
plus fidèlement le goût des grands ouvrages de Fontainebleau que la
manière, alors en vogue, des illustres décorateurs italiens, qu’ils venaient
d’étudier et d’admirer à Rome; — cela s’est vu particulièrement dans
notre siècle, où dès qu’il s’est agi de reprendre l’ancienne coutume de
décorer des galeries et de peindre des plafonds et des voussures, les
deux grands artistes qui, dans cette application nouvelle de leur talent,
ont développé leur vraie maîtrise, Delacroix et Baudry, se sont naturel-
lement reportés tout droit vers la tradition du Primatice et ont, le pre-
mier dans les salles du palais Bourbon et du Luxembourg, le second
pour son plafond de l’hôtel Païva et son immense entreprise de l’Opéra,
emprunté sans honte et sans détour à leur ancêtre, comme on emprunte
en famille, les formes et les mouvements de ses peintures de la galerie
de François 1er et de la galerie de Henri IL
C’est Mgr le duc d’Aumale qui a prêté à notre exposition les Plaisirs
de l'été, l’un des pendentifs de la galerie de Henri II à Fontainebleau. Le
dessin avait passé par les collections Mariette, Lagoy, Th. Lawrence.
M. Armand tenait de M. de la Salle l’autre dessin, Y Automne, repré-
senté par un jeune homme nu, chargé d’une manne de raisins. Quant au
Niccolo delf Abbate, le célèbre praticien du Primatice et si gracieux
inventeur lui-même, M. Armand a fourni de lui deux cadres charmants :
dans l’un, son Parnasse, gravé par Delaulne; dans l’autre, les huit
Anges portant les instruments de la Passion, et que l’on connaît au
Louvre par les émaux de Léonard Limousin. Tous les amateurs de ce
temps-ci se souviennent d’avoir vu ces huit dessins, si précieux pour