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Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 2.Pér. 19.1879

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Nr. 6
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Baignères, Arthur: Le Salon de 1879, 1
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https://doi.org/10.11588/diglit.22839#0573

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GAZETTE DES BEAUX-ARTS.

retrouvons un grand peintre et un peintre religieux. Il met brillam-
ment en pratique une théorie fort juste, que nous examinerons après son
tableau. C’est un triptyque; cette forme devient fort à la mode, puis-
qu’elle permet d’exposer six tableaux au lieu des deux autorisés par le
règlement, et le succès de M. Duez va la rendre plus populaire encore.
J’avoue sans rougir que je connaissais à peine de réputation saint Cuth-
bert, un Irlandais ; heureusement cette année, par une innovation
empruntée aux Anglais, on inscrit sur le cadre le sujet des tableaux et
tout le monde peut lire la légende avant de l’admirer. Sur le volet de
gauche, le saint, qui vivait au vu® siècle, était berger. Pendant qu’il
garde ses moutons, il voit monter au ciel l’âme de saint Aïdan, évêque
de Lindisfarn. M. Duez a sagement placé la scène dans une demi-
obscurité, et il a donné au jeune pâtre un mouvement plein d’onction.
Des trois scènes, c’est celle que j’aime le moins; les moutons sont un
peu indécis d’exécution. Quant à l’âme de saint Aïdan, je n’ai aucune
raison d’en discuter la ressemblance ou la vraisemblance. Le volet de
droite est parfait : le saint, devenu vieux, s’est retiré dans une île, où
il cause avec des oiseaux. On le voit de dos, nu jusqu’à la ceinture,
jetant le grain dans les champs. L’ensemble est très clair. On ne sau-
rait trop louer le groupe d’arbres, d’un si beau jet, dont les bran-
chages font valoir le premier et le dernier plan. Ces deux scènes ne
sont que l’accessoire. Dans la grande toile, le saint, revêtu de ses
habits sacerdotaux, la crosse à la main, s’est arrêté épuisé de fatigue et
de faim. Il a engagé son compagnon, un enfant, à ne pas désespérer et
il lui a montré un aigle, en lui disant que si Dieu le veut, il peut s’en
servir pour leur procurer des aliments. M. Duez a représenté le moment
où l’aigle apparaît avec un poisson et où l’enfant, à genoux, regarde
avec une expression de joie et de reconnaissance saint Cuthbert, resté
impassible, puisqu’il n’a jamais douté. Le miracle a pour cadre le plus
charmant paysage : de vertes plaines au bord de la mer, coupées par
des haies d’arbres, un ciel d’une harmonie exquise. Piien n’est plus déli-
cat que le ton de la chasuble, d’un vert foncé, ornée de broderies et
d’ornements. L’atmosphère qui enveloppe le tout est d’une transparence
et d’une clarté adorables, et les têtes des personnages d’une simplicité
et d’une naïveté touchantes. J’ai assez dit pour qu’on devine les qualités
du peintre, je puis insister sur celle du penseur. Oui, M. Duez renou-
velle la peinture religieuse en n’empruntant ses personnages qu’à la
réalité et en plaçant ses personnages dans un cadre vrai. Notre généra-
tion a pour la nature un culte, et Rousseau, Diaz et Corot nous ont
appris à vénérer les prairies, les arbres et les nuages. M. Duez est donc
 
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