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Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 2.Pér. 24.1881

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https://doi.org/10.11588/diglit.22844#0110

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BIBLIOGRAPHIE.

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est entré sans une raison déterminante et définitive. Au milieu d’eux s’est écoulée
une existence d’homme, celle du plus ultraraffiné et du plus passionné peut-être de
nos collectionneurs. Ils sont la chair de sa chair et le sang de son sang. 11 y a mis tous
ses loisirs, tout le superflu d’un modeste budget, tous les gains de sa plume. A ces
titres, ne méritaient-ils pas déjà plus que les arides nomenclatures d’un catalogue?

On connaît le champ où le goût d’Edmond de Goncourt et aussi de son regretté
frère, Jules, quoique celui-ci ne fût pas un curieux au même degré, s’est strictement
limité : la France du xvmc siècle et l’extrême Orient, les deux arts qui précisément
sont les plus délicats, les plus raffinés, les plus éloignés de la contrainte et du
poncif.

Il semble que le xvme siècle se personnifie en eux. Ils l’ont fouillé dans tous les
sens. Edmond l’a aimé avant tout le monde; il a devancé la mode, et comme collec-
tionneur il a eu, on peut le dire, le courage de son opinion. Il en est récompensé au
centuple aujourd’hui. Ses beaux livres à vignettes, ses plaquettes révolutionnaires, ses
estampes en couleur, ses terres-cuites de Clodion, ses meubles, ses bronzes, ses ravis-
sants dessins des Watteau, des La Tour, des Pater, des Gochin, des Moreau, des Fra-
gonard, il les a achetés en un temps où marchands et amateurs les dédaignaient. Les
piquantes monographies de Y Art au xvme siècle, dont la Gazette a eu la primeur et
que notre éminent prédécesseur, Émile Galichon, a publiées au risque de faire hurler
les vieilles doctrines, ont pris place sur les tablettes de tous les vrais bibliophiles et de
tous les amateurs d’art. On y a vu avec raison la révélation de toute une époque, glo-
rieuse pour le goût français et maîtresse dans le domaine des arts décoratifs, d’une
société, d’un style, d’un goût dont nous vivons encore.

Cependant ce n’est point là, à nos yeux, qu’est l’originalité du livre dont nous
nous occupons. Le xvme siècle a le vent en poupe, plus même que de raison.

Ce ne sont pas davantage les pages charmantes sur les porcelaines de la Chine,
écrites en parfait connaisseur, en enthousiaste, qui nous attirent. Et pourtant, malgré
tant de longues dissertations sur la matière, quel magnifique, neuf et inépuisable
sujet que la porcelaine de Chine! Cette œuvre de création divine, cette matière ter-
reuse que le génie artistique d’un peuple a, suivant les belles expressions de M. de
Goncourt, façonnée en un objet de lumière et de doux coloris, dans un luisant de
pierre précieuse, pour l’enchantement des yeux des coloristes!

Le côté imprévu et vraiment nouveau du livre est ailleurs. M. de Goncourt a été
l’un des premiers, à la suite de M. Burtv, qui ait dirigé sa pensée vers les arts de cette
mystérieuse et étonnante contrée dont le peuple a, de nature, le plus rare tempérament
artistique qui se soit peut-être rencontré depuis les Athéniens. Nous voulons parler
du Japon. Vers 1873, à l’époque où M. Philippe Sichel en revenait les caisses remplies
d’objets admirables, mis dans la circulation par la suite de la révolution politique qui
avait ouvert le Japon aux étrangers et bouleversé les mœurs antiques du pays, M. de
Goncourt fut au nombre des rares avisés qui les recueillirent et en firent le noyau d’une
véritable collection. Peu à peu, l’admiration que faisaient naître en lui la perfection
technique sans rivale, l’originalité, le goût inimitable et l’invention infiniment renou-
velée de tous ces ravissants objets, créés aux belles époques de leurs arts, par les mains
de fée des Japonais, devint tyrannique et à ce point envahissante qu’elle a fait pâlir
ses adorations antérieures. Laques, ivoires, armes, bronzes, rouleaux peints, albums
imprimés, soies brodées, bois sculptés, ciselures en métal, étoffes, s’amassaient chez
lui et formaient à côté du xvnie siècle un véritable musée de l’extrême Orient. Ce goût
 
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