Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art (2.Pér. 24.1881)

ANTOINE VAN D Y G K

PAR JULES GUIFFREY 1

Bien qu’il ait été fort attentif au
dénombrement des diverses catégories
de criminels qu’il voulait placer dans
son Enfer} Dante est resté incomplet.
Son plantureux catalogue oublie les
peintres qui, poussant la distraction
jusqu’à la culpabilité, ont négligé de
dater leurs oeuvres.

Ce n’est rien qu’une date au bas
d’une toile, et cependant c’est la
lumière ; c’est, pour la malheureuse
armée des critiques dans l’embarras,
le rayon qui permet de voir, de com-
prendre et d’expliquer. Que saurions-nous de l’âme de Molière si nous
ignorions à quelle époque et dans quel ordre ses comédies ont ôté écrites?
La chronologie est un bienfait des dieux. Rembrandt le savait. Il a eu,
par avance, pitié des honnêtes gens qui devaient commenter son œuvre.
Il a pris soin d’éclairer ses tableaux au moyen d’un millésime providen-
tiel qui permet d’apprécier les évolutions de sa manière et les transfor-
mations successives de son changeant idéal. Van Dyck, trop assidu à
suivre ici le mauvais exemple que lui donnait Rubens, n’a pas eu cette
précaution salutaire. Et qu’arrive-t-il? Nous avons beau faire les connais
seurs et multiplier les belles phrases, nous devons, si nous avons quelque
sincérité dans l’âme, avouer que nous gardons sur Van Dyck de déplo-
rables ignorances; il nous échappe; nous ne le tenons pas.

Sur ce maître, qui est dans tous les musées, et dont on parle volontiers 4

4. Paris, A.Quantin,'] vol. in-fol, illustré de nombreus es reproductions dans le texte
et hors texte.