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GAZETTE DES BEAUX-ARTS.
être plus nette et plus étendue. On ne peut guère voir d’étude plus fine
et plus sérieuse sur l’Orient que ses Syriens en voyage} les uns montés
sur des chameaux, les autres à pied portant les bagages, traversant d’un
pas pesant et mesuré, sous un ciel chauffé à blanc, l’interminable espace
du sable altéré.
A côté de ce modeste et délicat Marilhat M. Ziem, à vrai dire, semble
d’abord un peu tapageur. Sa Fontaine en Orient est cependant un de ses
bons morceaux, d’une facture peu variée, mais solide et éclatante. Quant
à Fromentin, il clôt la série des orientalistes avec l’un de ses chefs-d’œu-
vre, la Chasse au faucon, où son esprit sagace a résumé, dans une
composition animée, d’une harmonie à la fois forte et subtile, toutes les
finesses de son observation et tous les raffinements de son habileté. Pour
ce tableau aussi l’épreuve est faite ; il peut prendre son rang dans la
série des peintures que le temps respectera.
Géricault, Delacroix, Decamps, Marilhat ne sont pas seuls à repré-
senter le mouvement romantique. Presque tous ceux qui s’y associè-
rent, de près ou de loin, se montrent par quelque côté de leur talent. La
Confidence de Léopold Robert et sa Femme •pleurant sur les ruines de sa
maison détruite par un tremblement de terre, qui émurent autrefois
toutes les âmes sentimentales, nous paraissent aujourd’hui des tableaux
un peu démodés, tendres au fond, secs dans la forme. La rigidité des
contours et [la dureté des colorations étaient probablement ce qui servait
d’excuse à Robert, auprès des élèves de David, pour le choix trop familier
de ses personnages. Par un retour étrange des choses, cette rigidité et
cette dureté nous gâtent aujourd’hui ses admirables qualités, son senti-
ment si humain, son émotion si profonde. Il faut, toutefois, aller au
delà de cette première surprise ; si le dessinateur est froid, l’artiste est
ardent, et de son ardeur sympathique on surprend de nobles éclats dans
ces deux toiles. Entre les paysans romains de Léopold Robert et les
paysans romains de M. Hébert, dont voici une petite Mal’aria, il n’y a
que la distance d’un pinceau rigide à un pinceau tendre ; mais M. Hébert
aurait-il pu succéder directement aux peintres de l’Empire? Léopold
Robert eut le mérite de franchir le passage et de tendre la main à tous
ceux qui oseraient, après lui, regarder la nature, en Italie, avec des yeux
sincères.
Ary Scheffer, dans ses portraits au moins, n’a presque pas vieilli. Le
portrait en pied de ri'. A. R. le duc d’Orléans, prince royal, en colonel
de hussards, n’est pas d’une qualité particulière, mais celui du Prince
de Talleyrand, fait en 1828, est un ouvrage d’un vrai mérite. Celui de
la Reine Marie-Amélie, peint à Claremont en 1857, est un véritable
GAZETTE DES BEAUX-ARTS.
être plus nette et plus étendue. On ne peut guère voir d’étude plus fine
et plus sérieuse sur l’Orient que ses Syriens en voyage} les uns montés
sur des chameaux, les autres à pied portant les bagages, traversant d’un
pas pesant et mesuré, sous un ciel chauffé à blanc, l’interminable espace
du sable altéré.
A côté de ce modeste et délicat Marilhat M. Ziem, à vrai dire, semble
d’abord un peu tapageur. Sa Fontaine en Orient est cependant un de ses
bons morceaux, d’une facture peu variée, mais solide et éclatante. Quant
à Fromentin, il clôt la série des orientalistes avec l’un de ses chefs-d’œu-
vre, la Chasse au faucon, où son esprit sagace a résumé, dans une
composition animée, d’une harmonie à la fois forte et subtile, toutes les
finesses de son observation et tous les raffinements de son habileté. Pour
ce tableau aussi l’épreuve est faite ; il peut prendre son rang dans la
série des peintures que le temps respectera.
Géricault, Delacroix, Decamps, Marilhat ne sont pas seuls à repré-
senter le mouvement romantique. Presque tous ceux qui s’y associè-
rent, de près ou de loin, se montrent par quelque côté de leur talent. La
Confidence de Léopold Robert et sa Femme •pleurant sur les ruines de sa
maison détruite par un tremblement de terre, qui émurent autrefois
toutes les âmes sentimentales, nous paraissent aujourd’hui des tableaux
un peu démodés, tendres au fond, secs dans la forme. La rigidité des
contours et [la dureté des colorations étaient probablement ce qui servait
d’excuse à Robert, auprès des élèves de David, pour le choix trop familier
de ses personnages. Par un retour étrange des choses, cette rigidité et
cette dureté nous gâtent aujourd’hui ses admirables qualités, son senti-
ment si humain, son émotion si profonde. Il faut, toutefois, aller au
delà de cette première surprise ; si le dessinateur est froid, l’artiste est
ardent, et de son ardeur sympathique on surprend de nobles éclats dans
ces deux toiles. Entre les paysans romains de Léopold Robert et les
paysans romains de M. Hébert, dont voici une petite Mal’aria, il n’y a
que la distance d’un pinceau rigide à un pinceau tendre ; mais M. Hébert
aurait-il pu succéder directement aux peintres de l’Empire? Léopold
Robert eut le mérite de franchir le passage et de tendre la main à tous
ceux qui oseraient, après lui, regarder la nature, en Italie, avec des yeux
sincères.
Ary Scheffer, dans ses portraits au moins, n’a presque pas vieilli. Le
portrait en pied de ri'. A. R. le duc d’Orléans, prince royal, en colonel
de hussards, n’est pas d’une qualité particulière, mais celui du Prince
de Talleyrand, fait en 1828, est un ouvrage d’un vrai mérite. Celui de
la Reine Marie-Amélie, peint à Claremont en 1857, est un véritable