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GAZETTE DES BEAUX-ARTS.
tous les sens. On conduit l’instrument de manière à imiter la liberté
du coup de crayon. Le premier trait, mordu à l’eau-forte, est com-
plété ensuite par ce travail de roulette.
L’ancêtre des graveurs à la manière du crayon, Jean Lutma,
n’avait pas à sa disposition un outil aussi pratique. Cet orfèvre, dont
il reste quelques estampes, se servait d’un petit maillet pour
enfoncer sa pointe dans le métal, opus mallei.
Cette manière rudimentaire de graver fut reprise presque en
même temps au cours du xvme siècle par plusieurs artistes qui y
apportèrent des perfectionnements et se disputèrent l’invention de la
gravure en manière de crayon. Il semble pourtant qu’elle doit être
attribuée à François, d’abord graveur de vaisselle, originaire de
Nancy, où il est né en 1717. Dès 1740, à Lyon, raconte-t-il dans
une lettre à Savérien, François cherchait une façon de graver qui
imitât le crayon, mais ce n’est qu’en 1753 qu’il refit un nouvel essai,
d’après les dessins d’un professeur de Paris, et en 1756 qu’il eut six
feuilles assez réussies pour les présenter au marquis de Marigny.
Celui-ci, pour le récompenser, lui fit obtenir une pension de
600 livres et en 1758 le titre de graveur des dessins du Roi.
Cochin, par un rapport à l’Académie, reconnaissait que ses
estampes sont gravées dans une manière non usitée jusqu’à présent
qui « imite le large maniement du crayon ».
Dans ses premiers essais, François, qui avait commencé par
exécuter au burin quelques portraits, n'est pas encore maître du
procédé, et ses Principes de Dessein faciles et dans le goût du crayon
dédiés au chevalier de Fleurieu témoignent qu’il n’a pas encore
trouvé l’instrument nécessaire. Son autre cahier de modèles d'après
Eisen est bien supérieur : L'Amour du Dessein ou Cours de Dessein dans
le goût du crayon, à Paris chez François, graveur à l'hôtel des Ursins, au
triangle d’or derrière Saint-Denis de la Chartre, telle est la légende du
titre dessiné par Eisen. Ce sont de très bons exemples de ce que
François se proposait de faire : « Le coup de crayon, dit-il, laisse une
espèce de grenu occasionné par le grain du papier, qui en émousse la
pointe. Il était donc nécessaire de l’imiter dans la gravure et c’est à
quoi le sieur François se flatte d’avoir réussi. »
Quelques portraits, celui du médecin Quesnay, essai curieux où le
graveur s’est à la fois servi de manière noire, de manière de crayon,
de lavis et de burin ; Denis, trésorier général des Bàtimens du Roy
et sa femme; l’adresse du relieur Dubuisson, sont parmi ses bonnes
pièces. Son œuvre la plus considérable, sinon la meilleure, est
GAZETTE DES BEAUX-ARTS.
tous les sens. On conduit l’instrument de manière à imiter la liberté
du coup de crayon. Le premier trait, mordu à l’eau-forte, est com-
plété ensuite par ce travail de roulette.
L’ancêtre des graveurs à la manière du crayon, Jean Lutma,
n’avait pas à sa disposition un outil aussi pratique. Cet orfèvre, dont
il reste quelques estampes, se servait d’un petit maillet pour
enfoncer sa pointe dans le métal, opus mallei.
Cette manière rudimentaire de graver fut reprise presque en
même temps au cours du xvme siècle par plusieurs artistes qui y
apportèrent des perfectionnements et se disputèrent l’invention de la
gravure en manière de crayon. Il semble pourtant qu’elle doit être
attribuée à François, d’abord graveur de vaisselle, originaire de
Nancy, où il est né en 1717. Dès 1740, à Lyon, raconte-t-il dans
une lettre à Savérien, François cherchait une façon de graver qui
imitât le crayon, mais ce n’est qu’en 1753 qu’il refit un nouvel essai,
d’après les dessins d’un professeur de Paris, et en 1756 qu’il eut six
feuilles assez réussies pour les présenter au marquis de Marigny.
Celui-ci, pour le récompenser, lui fit obtenir une pension de
600 livres et en 1758 le titre de graveur des dessins du Roi.
Cochin, par un rapport à l’Académie, reconnaissait que ses
estampes sont gravées dans une manière non usitée jusqu’à présent
qui « imite le large maniement du crayon ».
Dans ses premiers essais, François, qui avait commencé par
exécuter au burin quelques portraits, n'est pas encore maître du
procédé, et ses Principes de Dessein faciles et dans le goût du crayon
dédiés au chevalier de Fleurieu témoignent qu’il n’a pas encore
trouvé l’instrument nécessaire. Son autre cahier de modèles d'après
Eisen est bien supérieur : L'Amour du Dessein ou Cours de Dessein dans
le goût du crayon, à Paris chez François, graveur à l'hôtel des Ursins, au
triangle d’or derrière Saint-Denis de la Chartre, telle est la légende du
titre dessiné par Eisen. Ce sont de très bons exemples de ce que
François se proposait de faire : « Le coup de crayon, dit-il, laisse une
espèce de grenu occasionné par le grain du papier, qui en émousse la
pointe. Il était donc nécessaire de l’imiter dans la gravure et c’est à
quoi le sieur François se flatte d’avoir réussi. »
Quelques portraits, celui du médecin Quesnay, essai curieux où le
graveur s’est à la fois servi de manière noire, de manière de crayon,
de lavis et de burin ; Denis, trésorier général des Bàtimens du Roy
et sa femme; l’adresse du relieur Dubuisson, sont parmi ses bonnes
pièces. Son œuvre la plus considérable, sinon la meilleure, est