WATTEAU.
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ne se retrouveraient pas aujourd’hui à Saint-Pétersbourg. 11 n’a pas
vu l’Ermitage, mais il a consulté le catalogue de ce splendide Musée
(édition de 1871) et il y a trouvé, sous les nos 1504 et 1505, l’indica-
tion de deux Watteau, les Fatigues de la guerre et les Délassements de
la guerre, gravés, le premier par Scotin, le second par Crépy fils. Ce
sont des peintures sur cuivre de fort modestes dimensions (H. 0m,22;
L. 0ra,33). Tout démontre qu’elles forment pendants et qu’elles sont
de la même époque. M. de Goncourt se demande à ce propos si le
rédacteur de l’inventaire de l’Ermitage n’a pas commis une erreur et
si ces deux tableaux, changeant de titre en raison de l’analogie des
sujets, ne sont pas ceux qui ont été gravés par C.-N. Cochin. Nous
hésitons à admettre cette hypothèse qui nous avait séduit d’abord.
L’origine des deux peintures de Saint-Pétersbourg n’est pas douteuse.
Le catalogue de l’Ermitage déclare formellement qu’elles proviennent
de la collection Crozat. Or, nous ne sommes pas sans quelques infor-
mations sur les chefs-d’œuvre que l’héritier du financier avait réunis
dans l’hôtel de la place Yendôme. Hébert, décrivant en 1766 cette
galerie fameuse, inventorie, dans le cabinet à la suite de la biblio-
thèque, « deux petits tableaux de Watteau, qui sont une Marche de
troupe et une Halte L Pas de description. Ce silence est fâcheux, car
M. Braun ayant négligé de photographier les n03 1504 et 1505, nous
ne pouvons les comparer avec les estampes de Cochin et préciser ce
qui reste flottant dans notre souvenir. En effet, ces deux cuivres de
Saint-Pétersbourg, nous avons eu la joie de les voir en 1883, et notre
impression d'alors est que ces peintures peuvent fort bien être celles
que Scotin et Crépy fils ont gravées, c’est-à-dire les Fatigues de la:
guerre et les Délassements de la guerre. Dans tous les cas, elles datent
du même moment que les petits cuivres achetés par Sirois. C’est là ce
qui importe. Elles sont infiniment spirituelles; mais ce n’est pas
seulement en ce sens qu’elles restent à jamais curieuses. Elles mar-
quent pour nous le point de départ de Watteau et l’état de son idéal
aux environs de 1710.
Or, à cette époque, AVatteau n’est nullement coloriste, ou du moins
il ignore la théorie vénitienne qui consiste à obtenir l’harmonie avec
les contrastes : il est presque monochrome, faisant passer les tons les
uns dans les autres et cherchant l’unité dans la note brune ou marron.
Pas un bleu, pas un rose, pas un point argentin, et s’il y a çà et là
quelques traces de verdures, les feuillages sont ceux de l’automne. Ce
L Hébert, Dictionnaire pittoresque, 1766, t. I, p. 101.
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ne se retrouveraient pas aujourd’hui à Saint-Pétersbourg. 11 n’a pas
vu l’Ermitage, mais il a consulté le catalogue de ce splendide Musée
(édition de 1871) et il y a trouvé, sous les nos 1504 et 1505, l’indica-
tion de deux Watteau, les Fatigues de la guerre et les Délassements de
la guerre, gravés, le premier par Scotin, le second par Crépy fils. Ce
sont des peintures sur cuivre de fort modestes dimensions (H. 0m,22;
L. 0ra,33). Tout démontre qu’elles forment pendants et qu’elles sont
de la même époque. M. de Goncourt se demande à ce propos si le
rédacteur de l’inventaire de l’Ermitage n’a pas commis une erreur et
si ces deux tableaux, changeant de titre en raison de l’analogie des
sujets, ne sont pas ceux qui ont été gravés par C.-N. Cochin. Nous
hésitons à admettre cette hypothèse qui nous avait séduit d’abord.
L’origine des deux peintures de Saint-Pétersbourg n’est pas douteuse.
Le catalogue de l’Ermitage déclare formellement qu’elles proviennent
de la collection Crozat. Or, nous ne sommes pas sans quelques infor-
mations sur les chefs-d’œuvre que l’héritier du financier avait réunis
dans l’hôtel de la place Yendôme. Hébert, décrivant en 1766 cette
galerie fameuse, inventorie, dans le cabinet à la suite de la biblio-
thèque, « deux petits tableaux de Watteau, qui sont une Marche de
troupe et une Halte L Pas de description. Ce silence est fâcheux, car
M. Braun ayant négligé de photographier les n03 1504 et 1505, nous
ne pouvons les comparer avec les estampes de Cochin et préciser ce
qui reste flottant dans notre souvenir. En effet, ces deux cuivres de
Saint-Pétersbourg, nous avons eu la joie de les voir en 1883, et notre
impression d'alors est que ces peintures peuvent fort bien être celles
que Scotin et Crépy fils ont gravées, c’est-à-dire les Fatigues de la:
guerre et les Délassements de la guerre. Dans tous les cas, elles datent
du même moment que les petits cuivres achetés par Sirois. C’est là ce
qui importe. Elles sont infiniment spirituelles; mais ce n’est pas
seulement en ce sens qu’elles restent à jamais curieuses. Elles mar-
quent pour nous le point de départ de Watteau et l’état de son idéal
aux environs de 1710.
Or, à cette époque, AVatteau n’est nullement coloriste, ou du moins
il ignore la théorie vénitienne qui consiste à obtenir l’harmonie avec
les contrastes : il est presque monochrome, faisant passer les tons les
uns dans les autres et cherchant l’unité dans la note brune ou marron.
Pas un bleu, pas un rose, pas un point argentin, et s’il y a çà et là
quelques traces de verdures, les feuillages sont ceux de l’automne. Ce
L Hébert, Dictionnaire pittoresque, 1766, t. I, p. 101.