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Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 3. Pér. 1.1889

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Nr. 3
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Mantz, Paul: Watteau, 2
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https://doi.org/10.11588/diglit.24445#0211

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188

GAZETTE DES BEAUX-ARTS.

coloris aux chaleurs rousses est celui d’un moment où Lemoyne, qui
n’a pas beaucoup plus de vingt ans, hésite encore à commencer sa
réforme et où AVatteau n’y songe pas davantage. C’est la palette sobre,
sinon indigente, d’un contemporain de Lafosse, de Bon Boullogne et
des successeurs de l’école de Versailles. Et cette monochromie,
cherchée dans les tons du bois, dans les tons du cuir, explique ce que
Gersaint a voulu dire, lorsque, parlant des tableaux peints pour
Sirois, il écrit qu’ils « avoient un coloris vigoureux et un certain
accord qui les faisoit croire de quelque ancien maître ». Nous
sommes en effet au point initial. Il faut avoir vu les deux peintures
de Saint-Pétersbourg pour savoir queAVatteau est parti du brun pour
aller au fleuri.

Cette caractéristique est intéressante à signaler. Je crois deviner
qu’elle devait se retrouver dans un petit tableau qui ne nous est plus
connu que par l’estampe que Moyreau a gravée sous le titre le
Dé [illé (Decursus), car il est curieux que les chalcographes du temps de
Louis XA7" aient eu la rage de traduire en un latin quelquefois baroque
les titres français des peintures de AVatteau. Le Défillé, qui a appar-
tenu à Julienne, et plus tard au prince de Conti (1777), à Ménageot
(1778), à l’orfèvre Dubois (1784), est une composition animée et
charmante. A droite, des cavaliers cachés en partie par un pli du
terrain descendent une pente; à gauche, des officiers, vus de dos,
forment l’arrière-garde; près d’eux, une vivandière tenant un broc à
la main : au fond, sur un monticule, une citadelle et dans le lointain,
l’éclat fulgurant d’une poudrière qui fait explosion. Ce tableau est,
sinon perdu, du moins égaré. Et c’est pourquoi il m’a paru intéres-
sants d’acquérir eu 1878, à la vente de M. de Saint-Remy, une réduction
du Défillé, que le catalogue, ignorant la gravure de Moyreau et les
uniformes de 1710, présentait sous le nom de Casanova. Je supplie
le lecteur de croire que je ne m’imagine pas avoir un original de
AV atteau : ces glorieuses aventures n’arrivent qu’aux protégés des
dieux. Mais ma petite copie est du temps et elle est instructive,
puisque nous ne savons plus ce qu’est devenu l’exemplaire princeps.
Sauf un coin du ciel où éclate une note bleue, de ce bleu flamand que
nous connaissons par Huysmans de Malines, le tableau n’admet pas
.de tons clairs et-se construit avec des tons bruns et un peu brouillés.
Le sujet, qu’on ne peut rattacher à aucun fait précis, bien que l’armée
de Villars ait dû voir sauter plus d’un magasin à poudre, appartient
à celte série d’anecdotes militaires pour lesquelles AVatteau a fait
tant d’études pendant son séjour dans sa ville natale.
 
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