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GAZETTE DES BEAUX-ARTS.
donné; il fait ce qu’a fait Gillot, il se présente à l’Académie. Le
procès-verbal de la séance du 30 juillet nous dira comment les
choses se sont passées :
« Aujourd’huy, samedy, trentième juillet 1712, l’Académie estant assemblée à
l’ordinaire, le sieur Antoine Watau, peintre, né à Valenciennes, s’est présenté
pourestre reçeu académicien et a faict voir de ses ouvrages. La Compagnie, après
avoir pris les voix par les fèves, a agréé sa présentation. Le sujet de son ouvrage
de réception a esté laissé à sa volonté... Mons. Coypel et nions. Barrois [ont esté
nommés pour voir travailler ledit sieur Wattau. »
Ce texte nous apprend que, pour montrer ce qu’il savait faire,
Watteau a, comme l’exigeaient les statuts, fait voir de ses ouvrages.
Quels tableaux a-t-il exposés? Il faut oublier ici le récit de Gersaint,
qui, en racontant dans une même page deux événements successifs,
laisse quelque confusion dans l’esprit. Les peintures que l’artiste a
soumises à ses futurs collègues ne sont nullement les deux scènes
militaires qu’il avait cédées à Sirois, mais des œuvres plus récentes,
et plus conformes à son idéal du moment. Mariette nous apprend que
le tableau ou l’un des tableaux sur lesquels Watteau fut agréé à
l’Académie est celui que Gérard Scotin a gravé sous le titre les Jaloux,
et qui, à l’heure où il écrivait, faisait partie du cabinet de Julienne.
Cette peinture a couru le monde : d’après M. E. de Goncourt, elle
apparaît pour la dernière fois à une vente du 3 mai 1786. Il nous
serait doux de la retrouver, car, ignorants et érudits, nous sommes
tous logés à la même enseigne et nous ne sommes pas d’une force
suprême sur le Watteau de 1712. Mais nous voyons par l’estampe de
Scotin qu’à ce moment l’artiste a renoncé à ses anecdotes militaires
et est entré dans le monde de la fantaisie et du théâtre. Il a déjà
abordé les sujets qui vont faire sa réputation : il obéit aux inspira-
tions empruntées à la comédie amoureuse.
Ainsi qu’on l’aura sans doute remarqué, la formule du procès-
verbal de la séance du 30 juillet n’est pas tout à fait pareille à celle
qu'employait le secrétaire de l’Académie pour constater qu’un aspi-
rant avait été agréé. D’ordinaire le candidat admis recevait du
directeur de la Compagnie l’indication du sujet qu’il devait traiter
dans son morceau de réception ; il lui était, en outre, prescrit, avant
de se mettre au travail, de présenter une esquisse. En ce qui
concerne Watteau, ces règles subissent un accroc important et hono-
rable. Pour son ouvrage de réception, qui est le chef-d’œuvre imposé
dans toutes les maîtrises, il peindra ce qu’il voudra. La Fosse
GAZETTE DES BEAUX-ARTS.
donné; il fait ce qu’a fait Gillot, il se présente à l’Académie. Le
procès-verbal de la séance du 30 juillet nous dira comment les
choses se sont passées :
« Aujourd’huy, samedy, trentième juillet 1712, l’Académie estant assemblée à
l’ordinaire, le sieur Antoine Watau, peintre, né à Valenciennes, s’est présenté
pourestre reçeu académicien et a faict voir de ses ouvrages. La Compagnie, après
avoir pris les voix par les fèves, a agréé sa présentation. Le sujet de son ouvrage
de réception a esté laissé à sa volonté... Mons. Coypel et nions. Barrois [ont esté
nommés pour voir travailler ledit sieur Wattau. »
Ce texte nous apprend que, pour montrer ce qu’il savait faire,
Watteau a, comme l’exigeaient les statuts, fait voir de ses ouvrages.
Quels tableaux a-t-il exposés? Il faut oublier ici le récit de Gersaint,
qui, en racontant dans une même page deux événements successifs,
laisse quelque confusion dans l’esprit. Les peintures que l’artiste a
soumises à ses futurs collègues ne sont nullement les deux scènes
militaires qu’il avait cédées à Sirois, mais des œuvres plus récentes,
et plus conformes à son idéal du moment. Mariette nous apprend que
le tableau ou l’un des tableaux sur lesquels Watteau fut agréé à
l’Académie est celui que Gérard Scotin a gravé sous le titre les Jaloux,
et qui, à l’heure où il écrivait, faisait partie du cabinet de Julienne.
Cette peinture a couru le monde : d’après M. E. de Goncourt, elle
apparaît pour la dernière fois à une vente du 3 mai 1786. Il nous
serait doux de la retrouver, car, ignorants et érudits, nous sommes
tous logés à la même enseigne et nous ne sommes pas d’une force
suprême sur le Watteau de 1712. Mais nous voyons par l’estampe de
Scotin qu’à ce moment l’artiste a renoncé à ses anecdotes militaires
et est entré dans le monde de la fantaisie et du théâtre. Il a déjà
abordé les sujets qui vont faire sa réputation : il obéit aux inspira-
tions empruntées à la comédie amoureuse.
Ainsi qu’on l’aura sans doute remarqué, la formule du procès-
verbal de la séance du 30 juillet n’est pas tout à fait pareille à celle
qu'employait le secrétaire de l’Académie pour constater qu’un aspi-
rant avait été agréé. D’ordinaire le candidat admis recevait du
directeur de la Compagnie l’indication du sujet qu’il devait traiter
dans son morceau de réception ; il lui était, en outre, prescrit, avant
de se mettre au travail, de présenter une esquisse. En ce qui
concerne Watteau, ces règles subissent un accroc important et hono-
rable. Pour son ouvrage de réception, qui est le chef-d’œuvre imposé
dans toutes les maîtrises, il peindra ce qu’il voudra. La Fosse