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Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 3. Pér. 1.1889

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Nr. 6
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Mantz, Paul: Watteau, 3
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https://doi.org/10.11588/diglit.24445#0509

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W AT TE AU.

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A l’hôtel de la rue de Richelieu ou à Montmorency, la vie que
menait Watteau était une vie occupée et à certaines heures un peu
mondaine. Il ne faut pas regretter que le fils du couvreur de Valen-
ciennes ait été mêlé de très près aux gens du bel air, car il a vu
dans cette compagnie des costumes, des attitudes, des grâces dont
son œuvre a gardé l’heureux souvenir. Malgré les dissipations
ambiantes et les musiques du soir, ses matinées lui appartenaient et
il a beaucoup travaillé chez Crozat. Nous avons dit que c’est là que
Watteau se trouva pour la première fois en contact avec les œuvres
vénitiennes. Il les étudia beaucoup et il dut à cette étude ce culte
pour les carnations chaudes qu’on remarque dans quelques-uns de
ses tableaux. Il semble même que sa fréquentation avec les maîtres
italiens ait élargi le répertoire de ses motifs habituels. Nous en
avons une preuve à la galerie Lacaze. 11 y a un peu d’italianisme
dans l’idée de représenter Jupiter changé en satyre et contemplant
d’un œil avide la nudité d’Antiope endormie. Mais, ici, le sujet seul
fait penser aux peintres de la grande école, car la forme est tout à
fait insuffisante, et Watteau, à ce moment du moins, ne savait qu’à
demi les élégances et les courbes amoureuses de la femme complète-
ment déshabillée. Ce tableau de Jupiter et Antiope, qu’on a vu passer
en 1857, à la vente Patureau, je ne le cite pas comme un chef-
d’œuvre, mais comme un témoignage des troubles que Watteau,
imparfaitement informé des suavités de la forme féminine, éprouvait
devant la nudité vivante. Je le cite aussi, parce que, sur une struc-
ture sans beauté, Watteau a essayé de mettre les morbidesses de la
chair, les palpitations de l’épiderme, et qu’il a exprimé son rêve en
utilisant les leçons qu’il avait prises chez les Vénitiens de la collec-
tion Crozat. Le Jugement de Paris, qu’on peut voir aussi à la galerie
Lacaze, n’est qu’une esquisse, un simple frottis; mais combien la
peinture est intéressante! Ici, rien de vénitien. Ce jour-là, Watteau
avait regardé les Flamands. La déesse a retiré ses voiles et elle
apparaît nue devant son juge. La peinture est faite avec des blonds,
avec des gris rosés d’une distinction suprême et, sans être très
pures, les formes sont savoureuses. La légèreté du travail est celle
d’un disciple posthume de Rubens. Fragonard a dû étudier cette
vive esquisse.

On voit, par ces deux exemples, que, pendant son séjour chez
Crozat, Watteau montre dans l’art une grande diversité de caprice
et des ambitions compliquées. C’est une douce flânerie dans l’idéal,
c’est la promenade gourmande de l’abeille qui va goûter toutes les
 
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