Universitätsbibliothek HeidelbergUniversitätsbibliothek Heidelberg
Metadaten

Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 3. Pér. 3.1890

DOI issue:
Nr. 5
DOI article:
Reinach, Salomon: La vénus de Milo
DOI Page / Citation link: 
https://doi.org/10.11588/diglit.24447#0418

DWork-Logo
Overview
loading ...
Facsimile
0.5
1 cm
facsimile
Scroll
OCR fulltext
382

GAZETTE DES BEAUX-ARTS.

christianisme à Milo, quelque païen ami des arts aurait ainsi caché
la Vénus pour la préserver de la fureur stupide des iconoclastes.

Toutefois, cette explication romanesque ne rend pas compte d’un
fait capital : c’est qu’on a trouvé auprès de la statue, dans la même
grotte, deux hermès et plusieurs fragments de marbre, tels que le
pied chaussé d’un cothurne que Dumont d’Urville a signalé. J’ai la
presque certitude qu’il n’y avait pas là une cachette, mais un magasin
de chaufournier. Pendant tout le moyen âge et malheureusement
aussi de notre temps, on a fabriqué de la chaux avec des marbres
antiques. La Vénus et les autres fragments découverts en môme
temps étaient destinés à subir le même sort. On peut imaginer qu’un
éboulement ou tout autre accident heureux les en préserva en dissi-
mulant l’entrée du caveau.

En ce qui concerne les fragments de bras, je veux encore insister
sur deux faits. D’abord, lors du transport de la statue sur l'Estafette,
on n’embarqua, au témoignage de Marcellus, qu’ « un avant-bras
informe » et « une moitié de main tenant une pomme » ; ces fragments
sont au Louvre, mais la troisième main et le pied que mentionne
Dumont d’Urville ont disparu. En second lieu, le 10 novembre 1820,
après le départ de la Vénus, Brest écrit au chargé d’affaires de France à
Constantinople qu’il a été prié par l’ambassade de « faire des recher-
ches pour trouver les bras et autres débris de la statue, mais que,
pour cela faire, il était urgent d’obtenir un bouyourouldou ». Ceci
permet de reléguer une fois pour toutes au rang des fables, pour no
pas dire pis, ce qui a été raconté en 1874, à savoir que les bras de la
statue étaient adhérents au moment delà découverte et furent brisés
au cours d’une rixe entre les marins français et les Turcs.

Marcellus s’était embarqué but Y Estafette et aborda le 23 mai 1820
à Milo. Dans l’intervalle, c’est-à-dire à la fin d’avril ou au commence-
ment de mai, un prêtre grec, qui voulait s’assurer les bonnes grâces
du drogman de l’arsenal de Constantinople, acheta la statuo et la
fit transporter sur le bord de la mer pour l’embarquer. Marcellus
arriva à temps pour rompre lo marché et faire amener la Vénus
sur le navire français. 11 la paya 550 francs, chiffre attesté par la
correspondance officielle : or, dans ses Souvenirs, M. do Marcellus
parle do 6,000 francs '. On voit que nous avons quelque raison do no

\. M. fie Marcellus a sans doute ajouté aux 550 francs payés pour la 9tatuc les
7,000 piastres qui furent remboursés par M. de Rivière aux primats de Milo,
lorsque la Porte, après le commencement de l'insurrection hellénique, refusa de
leur remettre les sommes extorquées par le drogman de l'arsenal.
 
Annotationen