ISABELLE D’ESTE ET LES ARTISTES DE SON TEMPS. 15
honneur. Son aïeul maternel, Alphonse le Magnanime, le premier roi
de la dynastie aragonaise assis sur le trône de Naples, à la fois légis-
lateur et guerrier, avait fondé l’Académie Alphonsine, origine
de celles qui devaient tant contribuer à développer la culture intel-
lectuelle dans la péninsule. Epris de l’antiquité, Alphonse se plaisait
à en faire revivre le souvenir par des représentations plastiques;
comme les Césars, il faisait tomber les murailles des villes prises
d’assaut pour y entrer en vainqueur, vêtu de la chlamyde et la tête
ceinte d’un laurier. Le prince, dont le Pisanello nous a laissé
les superbes effigies, avait composé sa cour de savants et de lettrés :
les Lorenzo Valla, Gianozzo Manetti, le Panormita, le Fazio, Porcel-
lio dei Pandoni. Ferdinand, son fils et son successeur, malgré le vio-
lent contraste qu’offre son caractère avec celui du Magnanime, avait
encore suivi sa trace en prenant pour premier ministre le Pontano,
pour poète de cour le Sannazar, et pour historien de la maison
rojmle Pandolfo Collenucio. La petite fille d’Alphonse, bibliophile
passionnée et protectrice d’Alde Manuce, avait de qui tenir; la biblio-
thèque du roi de Naples était célèbre, et tel était son goût pour la
peinture, qu’il donnait des missions à des artistes pour apprendre
les nouveaux procédés employés par l’école de Bruges ; Laurent
le Magnifique lui envoyait ses manuscrits et lui prêtait ses miniatu-
ristes qui revenaient charmés de son accueil et de sa générosité.
La maison d’Este, à laquelle la mère d’Isabelle s’était alliée
en épousant Hercule Ier, ne le cédait point pour l’illustration
à celle de son père le roi de Naples; les aïeux de son époux, Nicolo,
l'arrière grand-père, Borso et Lionel d’Este ses oncles, Hercule lui-
même, tous rudes guerriers, avaient donné des preuves de leur
culture intellectuelle. Pendant qu’à Mantoue Victorin de Feltre
avait la charge de préparer les jeunes princes à leur haute destinée,
ceux qui étaient appelés à régner dans le Ferrarais subissaient
la discipline de Guarino de Vérone. En eux revivait l’esprit des
humanistes; entraîné aux rives de la Grèce dès 1413, Nicolo d’Este
cherchait à Cythère les traces de la belle Hélène et de Pâris; Borso
couvrait les murs de sa maison de plaisance de Schifanoia de
fresques d’un développement considérable, qui en font un monument
important pour l’étude des mœurs, des habitudes, des types et
des costumes d’une cour du nord de l’Italie au xve siècle; pendant
que son frère, Lionel d’Este, un des capitaines les plus renommés de
son temps, appelait à sa cour Pisanello, Bellini, Roger van der
Weyden et Piero délia Francesca. Longtemps avant l’époque
honneur. Son aïeul maternel, Alphonse le Magnanime, le premier roi
de la dynastie aragonaise assis sur le trône de Naples, à la fois légis-
lateur et guerrier, avait fondé l’Académie Alphonsine, origine
de celles qui devaient tant contribuer à développer la culture intel-
lectuelle dans la péninsule. Epris de l’antiquité, Alphonse se plaisait
à en faire revivre le souvenir par des représentations plastiques;
comme les Césars, il faisait tomber les murailles des villes prises
d’assaut pour y entrer en vainqueur, vêtu de la chlamyde et la tête
ceinte d’un laurier. Le prince, dont le Pisanello nous a laissé
les superbes effigies, avait composé sa cour de savants et de lettrés :
les Lorenzo Valla, Gianozzo Manetti, le Panormita, le Fazio, Porcel-
lio dei Pandoni. Ferdinand, son fils et son successeur, malgré le vio-
lent contraste qu’offre son caractère avec celui du Magnanime, avait
encore suivi sa trace en prenant pour premier ministre le Pontano,
pour poète de cour le Sannazar, et pour historien de la maison
rojmle Pandolfo Collenucio. La petite fille d’Alphonse, bibliophile
passionnée et protectrice d’Alde Manuce, avait de qui tenir; la biblio-
thèque du roi de Naples était célèbre, et tel était son goût pour la
peinture, qu’il donnait des missions à des artistes pour apprendre
les nouveaux procédés employés par l’école de Bruges ; Laurent
le Magnifique lui envoyait ses manuscrits et lui prêtait ses miniatu-
ristes qui revenaient charmés de son accueil et de sa générosité.
La maison d’Este, à laquelle la mère d’Isabelle s’était alliée
en épousant Hercule Ier, ne le cédait point pour l’illustration
à celle de son père le roi de Naples; les aïeux de son époux, Nicolo,
l'arrière grand-père, Borso et Lionel d’Este ses oncles, Hercule lui-
même, tous rudes guerriers, avaient donné des preuves de leur
culture intellectuelle. Pendant qu’à Mantoue Victorin de Feltre
avait la charge de préparer les jeunes princes à leur haute destinée,
ceux qui étaient appelés à régner dans le Ferrarais subissaient
la discipline de Guarino de Vérone. En eux revivait l’esprit des
humanistes; entraîné aux rives de la Grèce dès 1413, Nicolo d’Este
cherchait à Cythère les traces de la belle Hélène et de Pâris; Borso
couvrait les murs de sa maison de plaisance de Schifanoia de
fresques d’un développement considérable, qui en font un monument
important pour l’étude des mœurs, des habitudes, des types et
des costumes d’une cour du nord de l’Italie au xve siècle; pendant
que son frère, Lionel d’Este, un des capitaines les plus renommés de
son temps, appelait à sa cour Pisanello, Bellini, Roger van der
Weyden et Piero délia Francesca. Longtemps avant l’époque