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Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 3. Pér. 13.1895

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Nr. 2
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Müntz, Eugène: La propagande de la Renaissance en Orient pendant le XVe siècle, 2
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https://doi.org/10.11588/diglit.24666#0115

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106

GAZETTE DES BEAUX-AIITS.

Quels que fussent l’enthousiasme et la prodigalité de Mathias1, il
n’y entrait absolument rien de la bienveillance à toute épreuve et,
prononçons le mot, de l’amollissement plus ou moins sénile qui
caractérisèrent plusieurs Mécènes contemporains. Mathias n’était
pas un roi débonnaire à la façon de René d’Anjou. Il avait l’esprit
aussi vif que viril: rien en lui ne respirait la bonhomie. Il le prouva
en maintes occurrences, tantôt en mettant a quia un théologien qui
avait osé argumenter contre lui, tantôt en renvoyant au sultan,
séance tenante, l’ambassadeur ottoman qui, ébloui par la majesté
royale, était resté court devant lui.

En matière d’art, Mathias faisait preuve de tout autant d’argutie.
Léonard de Vinci, dont le protecteur, Ludovic le More, entretenait
des relations assidues avec le souverain de la Hongrie, nous a
transmis le jugement, piquant et paradoxal plutôt que profond,
porté par le monarque hongrois sur la valeur réciproque de la
peinture et de la poésie 3.

En Hongrie aussi bien qu’en Moscovie, le célèbre architecte
ingénieur bolonais Aristotele Fioravante prépara les voies au style

1. On remarque, dans les agissements de la cour de Hongrie, le mélange de
prodigalité et d’embarras financiers qui caractérise, à peu d’exceptions près, toutes
les cours du temps. Tantôt on voit Mathias et Beatrix mettre en gage leurs
joyaux; tantôt le roi achète à la reine des joyaux d’une valeur de 8,000 ducats,
et parmi eux une croix de diamants ; tantôt encore il donne à l’ambassadeur de
France des cadeaux d’une valeur de 3,000 ducats pour lui et de 12.000 ducats
pour le roi Charles VIII et sa sœur Anne de Beaujeu. — Monumenta, Dipl., t. III,
p. 237. — Dipl., t. IV, p. 130. — Ibid., p. 237. Voy., sur cette ambassade, Dupuy,
Réunion de la Bretagne à la France, t. II, p. 177.

2. Je traduis littéralement ce témoignage, qui semble n’avoir jamais été
imprimé dans notre langue. « Réponse du roi Mathias à un poète qui discutait
avec un peintre. Le jour anniversaire du roi Mathias, un poète lui porta un ouvrage
qu’il avait composé en l’honneur de cette circonstance et où il déclarait que le roi
était venu au monde pour le plus grand bien de l’humanité. Un peintre, de son
côté, lui porta le portrait de sa bien-aimée. Le roi immédiatement ferma le livre
du poète, se tourna du côté du tableau et le regarda plein d’admiration. Le poète
indigné lui dit : « O roi, lis et tu verras que tu as affaire à un producteur de plus
« de portée que ne saurait l’être une peinture muette. » Le roi, s’entendant reprocher
de regarder des ouvrages muets, lui répondit : O poète, tais-toi, tu ne sais pas ce
« que tu dis : cette peinture s’adresse à un sens plus noble que ton poème, qui est
« fait pour les aveugles. Donne-moi un ouvrage que je puisse voir et toucher, et
« non pas seulement entendre, eteesse de blâmer mon choix : j’ai placé tonouvrage
« sous mon coude et j’ai pris celui du peintre avec les deux mains, pour en repaître
« mes yeux; les mains en effet sont les esclaves d’un sens plus noble que ne l’est
« l’ouïe. » (Traité de la Peinture, édit. Ludwig, t. I, p. 52.)
 
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