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GAZETTE DES BEAUX-ARTS.
moins à la sécheresse et à la lourdeur inhérentes aux ouvrages
authentiques de Laurana que la grâce, la légèreté du buste de la collec-
tion Dreyfus et des bustes ou masques congénères1. Le bas-relief
du musée de Berlin, qui fait pendant à celui de Mathias, nous montre
Béatrix âgée d’une vingtaine d’années, le visage plus plein, avec une
certaine tendance à l’obésité. Cette tendance s’accuse encore davan-
tage dans un second bas-relief, conservé à Vienne en compagnie du
portrait de son époux (gravé dans l’ouvrage de Mgr Fraknoi), et où la
tète est couverte d’un voile.
Les médailleurs, à leur tour, s’attaquèrent aux traits du couple
royal. Nous connaissons une médaille représentant Béatrix, la tête
couverte d’un voile, comme dans le bas-relief de Vienne, et six
représentant Mathias, tantôt la tète nue, avec une couronne de chêne
ou de laurier, tantôt la tête couverte d’un bonnet à plumes. Les
légendes sont caractéristiques : l’une contient, autour d’une bataille
entre Hongrois et Turcs, lesmots de «Marti fautori », l’autre (de 1486),
ce distique :
Cæsare magna mihi victo Thracumque tvrannis
Major apollinea gloria parta tuba est1 2.
Plusieurs peintres célèbres entreprirent de fixer sur panneau ou
sur toile la physionomie si énergique du monarque magyare, avec
ses yeux injectés de sang, son menton proéminent, ses longs cheveux
bouclés. Si nous pouvons nous consoler sans trop de peine de la perte
du portrait peint par Filippino Lippi — il était exécuté, non d’après
nature, mais d’après des médailles, —nous nesaurions assez déplorer
la disparition de celui auquel Mantegna avait attaché son nom: cette
peinture, autrefois conservée à Corne dans la collection de Paul Jove,
ne nous est plus connue que par la gravure insérée dans l’édition
bàloise des Elogici virorum bellica virlate illustrium.
A Rome, dans la « Via del Pellegrino, » près du«Campo de’Fiori»,
une fresque monumentale, peinte sur la façade d’une maison, offrait
à l’admiration des citoyens de la Ville éternelle les traits du vaillant
défenseur de la chrétienté et des inscriptions rappelant ses exploits.
On y voyait le roi à cheval, tète nue, les cheveux ceints d’une bande-
1. Archivio storico dell’ Arle, 1891, p. 38-43.
2. « J’ai remporté une grande gloire en vainquant l'empereur et les rois des
Thraces, mais je dois une gloire plus grande à la trompette d’Apollon .»
GAZETTE DES BEAUX-ARTS.
moins à la sécheresse et à la lourdeur inhérentes aux ouvrages
authentiques de Laurana que la grâce, la légèreté du buste de la collec-
tion Dreyfus et des bustes ou masques congénères1. Le bas-relief
du musée de Berlin, qui fait pendant à celui de Mathias, nous montre
Béatrix âgée d’une vingtaine d’années, le visage plus plein, avec une
certaine tendance à l’obésité. Cette tendance s’accuse encore davan-
tage dans un second bas-relief, conservé à Vienne en compagnie du
portrait de son époux (gravé dans l’ouvrage de Mgr Fraknoi), et où la
tète est couverte d’un voile.
Les médailleurs, à leur tour, s’attaquèrent aux traits du couple
royal. Nous connaissons une médaille représentant Béatrix, la tête
couverte d’un voile, comme dans le bas-relief de Vienne, et six
représentant Mathias, tantôt la tète nue, avec une couronne de chêne
ou de laurier, tantôt la tête couverte d’un bonnet à plumes. Les
légendes sont caractéristiques : l’une contient, autour d’une bataille
entre Hongrois et Turcs, lesmots de «Marti fautori », l’autre (de 1486),
ce distique :
Cæsare magna mihi victo Thracumque tvrannis
Major apollinea gloria parta tuba est1 2.
Plusieurs peintres célèbres entreprirent de fixer sur panneau ou
sur toile la physionomie si énergique du monarque magyare, avec
ses yeux injectés de sang, son menton proéminent, ses longs cheveux
bouclés. Si nous pouvons nous consoler sans trop de peine de la perte
du portrait peint par Filippino Lippi — il était exécuté, non d’après
nature, mais d’après des médailles, —nous nesaurions assez déplorer
la disparition de celui auquel Mantegna avait attaché son nom: cette
peinture, autrefois conservée à Corne dans la collection de Paul Jove,
ne nous est plus connue que par la gravure insérée dans l’édition
bàloise des Elogici virorum bellica virlate illustrium.
A Rome, dans la « Via del Pellegrino, » près du«Campo de’Fiori»,
une fresque monumentale, peinte sur la façade d’une maison, offrait
à l’admiration des citoyens de la Ville éternelle les traits du vaillant
défenseur de la chrétienté et des inscriptions rappelant ses exploits.
On y voyait le roi à cheval, tète nue, les cheveux ceints d’une bande-
1. Archivio storico dell’ Arle, 1891, p. 38-43.
2. « J’ai remporté une grande gloire en vainquant l'empereur et les rois des
Thraces, mais je dois une gloire plus grande à la trompette d’Apollon .»