GAZETTE DES BEAUX-ARTS.
filet plus foncé, que l’artiste manie avec une élégance achevée.
C’est le dernier effort de Saint-Porchaire. Sous l’influence de
Palissy, lézards, rainettes, scarabées, émaux de couleur et flambés,
introduits d’abord timidement dans la décoration, finissent par l’en-
vahir tout entière. C’en est fait de la poterie incrustée. La fabrique
se transforme, se met à la mode nouvelle, et nous voyons Tascher
composer des imitations complètes du maître favori de la cour.
Bientôt la faïence de luxe disparaît elle-même pour faire place à
la vaisselle émaillée de Limoges, qui disparaît à son tour devant la
vaisselle métallique d’argent et d’or. Désormais, Saint-Porchaire ne
fabriquera plus que de la poterie commerciale.
Les ventes Spitzer, à Paris, etMagniac, à Londres, ont modifié la
répartition des poteries de Saint-Porchaire telle que nous l’avions
indiquée dans notre précédent article. La collection Magniac, the
Colworth collection, comme on l'appelait de l’autre côté de la Manche,
possédait une des pièces les plus célèbres de Saint-Porchaire, une
aiguière d’une dimension et d’une forme exceptionnelles; nous en
avons parlé jadis 1 2. Cette aiguière provenait du cabinet Odiotpère. A
la vente de cet amateur, vers 1842, elle fut achetée par M. Delange,
lequel en parla à M. Magniac. Celui-ci la refusa tout d’abord, allé-
guant l’absence du chiffre ou des emblèmes royaux, qui passaient
alors pour un signe indispensable d’authenticité. Cependant, sur les
instances de M. Delange, il finit par ouvrir les yeux et paya l’aiguière
2,400 francs. Peu de temps après, il en refusait mille livres sterling.
La Colworth collection a été vendue récemment (2-15 juillet 1892),
et la belle aiguière a été acquise par M. Lowengard pour 3,990 livres,
c’est-à-dire cent mille francs. Aujourd’hui, elle appartient à M. le
baron Alphonse de Rothschild, qui nous a gracieusement autorisé à
en donner la reproduction pour les lecteurs de la Gazette-.
Ce magnifique échantillon mesure trente-sept centimètres de hau-
teur. Le col, à trois étages légèrement renflés, supporte une coquille
inclinée servant de goulot; l’anse élégante, en forme de sirène ren-
versée, se termine par deux tètes de serpent. La panse, ovoïde et d’un
galbe superbe, est entièrement couverte d’un treillis d’entrelacs dont
1. Gazette, avril 1888.
2. Cette aiguière figure déjà dans la Gazette du 1er avril 1888 ; mais la planche,
photographiée d’après le très médiocre dessin du recueil de Delange, était complè-
tement insuffisante.
filet plus foncé, que l’artiste manie avec une élégance achevée.
C’est le dernier effort de Saint-Porchaire. Sous l’influence de
Palissy, lézards, rainettes, scarabées, émaux de couleur et flambés,
introduits d’abord timidement dans la décoration, finissent par l’en-
vahir tout entière. C’en est fait de la poterie incrustée. La fabrique
se transforme, se met à la mode nouvelle, et nous voyons Tascher
composer des imitations complètes du maître favori de la cour.
Bientôt la faïence de luxe disparaît elle-même pour faire place à
la vaisselle émaillée de Limoges, qui disparaît à son tour devant la
vaisselle métallique d’argent et d’or. Désormais, Saint-Porchaire ne
fabriquera plus que de la poterie commerciale.
Les ventes Spitzer, à Paris, etMagniac, à Londres, ont modifié la
répartition des poteries de Saint-Porchaire telle que nous l’avions
indiquée dans notre précédent article. La collection Magniac, the
Colworth collection, comme on l'appelait de l’autre côté de la Manche,
possédait une des pièces les plus célèbres de Saint-Porchaire, une
aiguière d’une dimension et d’une forme exceptionnelles; nous en
avons parlé jadis 1 2. Cette aiguière provenait du cabinet Odiotpère. A
la vente de cet amateur, vers 1842, elle fut achetée par M. Delange,
lequel en parla à M. Magniac. Celui-ci la refusa tout d’abord, allé-
guant l’absence du chiffre ou des emblèmes royaux, qui passaient
alors pour un signe indispensable d’authenticité. Cependant, sur les
instances de M. Delange, il finit par ouvrir les yeux et paya l’aiguière
2,400 francs. Peu de temps après, il en refusait mille livres sterling.
La Colworth collection a été vendue récemment (2-15 juillet 1892),
et la belle aiguière a été acquise par M. Lowengard pour 3,990 livres,
c’est-à-dire cent mille francs. Aujourd’hui, elle appartient à M. le
baron Alphonse de Rothschild, qui nous a gracieusement autorisé à
en donner la reproduction pour les lecteurs de la Gazette-.
Ce magnifique échantillon mesure trente-sept centimètres de hau-
teur. Le col, à trois étages légèrement renflés, supporte une coquille
inclinée servant de goulot; l’anse élégante, en forme de sirène ren-
versée, se termine par deux tètes de serpent. La panse, ovoïde et d’un
galbe superbe, est entièrement couverte d’un treillis d’entrelacs dont
1. Gazette, avril 1888.
2. Cette aiguière figure déjà dans la Gazette du 1er avril 1888 ; mais la planche,
photographiée d’après le très médiocre dessin du recueil de Delange, était complè-
tement insuffisante.