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GAZETTE DES BEAUX-ARTS.
chose et plus qu’un simple praticien. Certes, dans ces imitations étran-
gères d’un art si infiniment délicat, qu’elles soient russes, géorgiennes
ou occidentales, le travail est, en général, plus grossier qu’à Byzance ;
les émaux moins savamment combinés ont des tons plus heurtés
et plus durs; les matériaux sont demeurés les mêmes, l'incomparable
habileté technique a disparu. Pourtant les boucles d’oreilles en or
émaillé que possède M. de Zwénigorodskoï sont une fort belle et
fort curieuse œuvre de l’école russo-byzantine du xieou du xne siècle,
et elles complètent fort utilement la série des émaux proprement
byzantins, en montrant tout à la fois la puissante influence qu’a
exercée, les transformations qu’a subies en Orient cet art somp-
tueux de l’émaillerie.
III
Je me suis borné à signaler ici quelques-unes des merveilles de
la collection Zwénigorodskoï, jugeant utile, avant tout, de mettre
en lumière l’importance de ces monuments nouveaux dont s’enrichit
l’histoire de l’art byzantin. Mais il y a, pour les historiens d’art,
bien autre chose encore à chercher dans ce livre : c’est une histoire
complète de l’émaillerie byzantine, de ses origines, de sa technique,
de ses longues et glorieuses destinées, queM. Kondakoff s’est proposé
d’écrire; et on ne saurait assez louer Pérudition véritablement prodi-
gieuse qui éclate dans ces pages, la connaissance approfondie qui s’y
révèle des monuments, les vues ingénieuses ou profondes qui y sont
parfois jetées au passage. Je ne sais s'il faut, avec M. Kondakoff,
croire vraiment que la Perse apprit à Byzance 1 art de l’émaillerie ;
certes, l’influence persane semble s’être puissamment exercée sur les
arts industriels et les costumes de l’empire grec d’Orient, et
M. Kondakoff en a recueilli des preuves infiniment curieuses; pour-
tant, tant qu’aucun émail persan de date ancienne ne viendra fournir
un point de comparaison scientifique, l’hypothèse, si ingénieuse soit-
elle, n’emportera pas pleinement l’évidence. Ce qu’il faut, au con-
traire, accepter et louer sans réserve, c’est la révision scrupuleuse à
laquelle M. Kondakoff a soumis, chemin faisant, beaucoup de monu-
ments connus, et parfois trop vantés, de l’émaillerie byzantine,
signalant, par exemple, tout ce qu’il y a d’erreur et d’admiration
conventionnelle dans la place éminente trop longtemps faite à la Pala
cVOro de Venise, ou montrant dans la reliure de l’évangéliaire de
GAZETTE DES BEAUX-ARTS.
chose et plus qu’un simple praticien. Certes, dans ces imitations étran-
gères d’un art si infiniment délicat, qu’elles soient russes, géorgiennes
ou occidentales, le travail est, en général, plus grossier qu’à Byzance ;
les émaux moins savamment combinés ont des tons plus heurtés
et plus durs; les matériaux sont demeurés les mêmes, l'incomparable
habileté technique a disparu. Pourtant les boucles d’oreilles en or
émaillé que possède M. de Zwénigorodskoï sont une fort belle et
fort curieuse œuvre de l’école russo-byzantine du xieou du xne siècle,
et elles complètent fort utilement la série des émaux proprement
byzantins, en montrant tout à la fois la puissante influence qu’a
exercée, les transformations qu’a subies en Orient cet art somp-
tueux de l’émaillerie.
III
Je me suis borné à signaler ici quelques-unes des merveilles de
la collection Zwénigorodskoï, jugeant utile, avant tout, de mettre
en lumière l’importance de ces monuments nouveaux dont s’enrichit
l’histoire de l’art byzantin. Mais il y a, pour les historiens d’art,
bien autre chose encore à chercher dans ce livre : c’est une histoire
complète de l’émaillerie byzantine, de ses origines, de sa technique,
de ses longues et glorieuses destinées, queM. Kondakoff s’est proposé
d’écrire; et on ne saurait assez louer Pérudition véritablement prodi-
gieuse qui éclate dans ces pages, la connaissance approfondie qui s’y
révèle des monuments, les vues ingénieuses ou profondes qui y sont
parfois jetées au passage. Je ne sais s'il faut, avec M. Kondakoff,
croire vraiment que la Perse apprit à Byzance 1 art de l’émaillerie ;
certes, l’influence persane semble s’être puissamment exercée sur les
arts industriels et les costumes de l’empire grec d’Orient, et
M. Kondakoff en a recueilli des preuves infiniment curieuses; pour-
tant, tant qu’aucun émail persan de date ancienne ne viendra fournir
un point de comparaison scientifique, l’hypothèse, si ingénieuse soit-
elle, n’emportera pas pleinement l’évidence. Ce qu’il faut, au con-
traire, accepter et louer sans réserve, c’est la révision scrupuleuse à
laquelle M. Kondakoff a soumis, chemin faisant, beaucoup de monu-
ments connus, et parfois trop vantés, de l’émaillerie byzantine,
signalant, par exemple, tout ce qu’il y a d’erreur et d’admiration
conventionnelle dans la place éminente trop longtemps faite à la Pala
cVOro de Venise, ou montrant dans la reliure de l’évangéliaire de